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L’autre décor de La Jamaïque

C’est un autre décor de la Jamaïque que plante Thibault Ehrengardt. Le journaliste et éditeur de la revue DREAD, efface l’image Peace and love et préfère parler de Guerre froide tropicale entre reggae et politique. C’est le thème de la conférence qu’il donne mercredi 11 mars au 106 à Rouen.

L’histoire commence par un coup de foudre. Tout d’abord pour Bob Marley, puis pour Gregory Isaacs. « Ce fut une révélation. Pour moi, ce n’était pas possible d’un mec écrive de telles paroles sur une musique aussi pure ». C’est tout un monde qui s’ouvre devant Thibault Ehrengardt. La passion pour la musique l’a amené à se pencher sur la vie politique de La Jamaïque. Depuis 25 ans, il explore l’île où une « guerre froide tropicale » oppose reggae et politique.

Lors de la conférence qu’il donne mercredi 11 mars au 106 à Rouen, Thibault Ehrengardt abordera la vision politique du reggae et notamment « le sens caché des tubes ». En Jamaïque, il n’est pas toujours bon de faire connaître ses opinions et de parler avec une certaine franchise. Certains en ont perdu la vie. Surtout tous ceux qui ont pris parti. « Ce sont des chansons à clé. Sous couvert d’un message universel, les artistes parlent avant tout de leur île. Je pense que la meilleure période du reggae se situe durant cette époque violente ».

« Une corruption institutionnalisée »

La violence fait partie de la vie politique en Jamaïque depuis la fin des années 1960. « Il y a eu une parenthèse socialiste entre 1972 et les années 1980. À cette date, ce fut les élections les plus meurtrières. La drogue est entrée dans le jeu pour financer l’achat des armes et les actions des gangs dans les quartiers. Ces gangs sont constitués des hommes de main du pouvoir, recrutés dans la pègre. La corruption est organisée, institutionnalisée et La Jamaïque n’arrive plus à s’en débarrasser. C’est une guerre civile non-avouée ».

Les artistes n’ont pu rester indifférents face à cette violence. « Bob Marley s’est nourri de la situation politique pour écrire. Ses chansons parlent de tout ce qu’il voit autour de lui. À Trenchtown, un quartier de l’ouest de Kingston, il est au cœur de la corruption. Pour lui, cela devient une obsession. Marley est un mec intelligent, mondialement connu, qui a su adapter ses messages. Quand il parle de paix, c’est pour son pays. Quand il parle de violence, c’est de manière détournée ».

Et le reggae aujourd’hui ? Il reste ancré dans le terreau jamaïcain. Mais « il a perdu la partie parce que la corruption, la misère, les gangs sont toujours là ». C’est la face ténébreuse qui a surgi. Aujourd’hui, dans les chansons, on vante « les faits d’arme, les gangs et les prouesses sexuelles ». Le reggae reste le reflet de la société en Jamaïque.

Infos pratiques

  • Mercredi 11 mars à 19 heures au 106 à Rouen.
  • L’exposition Jamaica Insula, une découverte d’une île à travers des photos, des disques et des cartes, est visible jusqu’au 30 avril.
  • Entrée libre