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# 51 / Le ton monte dans le secteur des musiques actuelles

Ça gronde dans le secteur des musiques actuelles. Le rendez-vous avec la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, n’a pas apaisé la colère ni réduit l’inquiétude. Bien au contraire ! Un retour avec Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles (SMA).

Elle n’a pas de boule de cristal mais elle prévoit une année 2021 compliquée pour les musiques actuelles. « Elle commence dans un contexte qui n’est pas favorable à la réouverture des lieux ». Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles a bien en tête les dernières évolutions du nombre de contaminations au coronavirus en France. Les mauvais chiffres n’entament en rien la détermination de tout un secteur qui n’oublie pas les diverses décisions gouvernementales durant ces dix derniers mois. La colère est bien là et se mêle à une grande incompréhension. 

Le sentiment est global dans le milieu de la culture. « On n’en peut plus de se faire balader », remarque Aurélie Hannedouche. Les dates de « revoyure » ne sont pas du tout appréciées. « Nous ne nous étions pas projetés sur le 15 décembre. Tout a été annulé jusqu’à la fin de l’année. Après le 7 janvier, on nous propose le 20 janvier pour une éventuelle réouverture en février. Quel mépris ! À chaque fois, c’est beaucoup d’argent qui est investi. C’est irrespectueux ».

« Nous sommes sous les critiques »

Depuis plusieurs mois, le monde des musiques actuelles se sent pointé du doigt. « Nous sommes sous les critiques. Le gouvernement veut nous faire porter le chapeau. Nous avons l’impression que l’on nous prend pour de doux rêveurs mais nous sommes des personnes responsables. Nous ne voulons pas rouvrir nos lieux quel que soit le contexte. Cependant, quand il est décidé que les établissements recevant du public peuvent rouvrir, il n’est pas possible que certains en aient la capacité et d’autres, non ». 

Comme beaucoup, Aurélie Hannedouche n’a pas oublié les signes encourageants de la rentrée culturelle 2020. « Nous avons ouvert avec des dispositifs contraints, le gel, le port du masque, les distanciations. Il n’y a eu aucun cas de covid. Au SMA, nous avons organisé en septembre notre assemblée générale au Grand Mix avec 200 personnes. Il n’y a pas eu de cluster. On s’interroge quand on voit Miss France dans un supermarché et les messes de Noël ».

Bientôt des concerts-tests

Autre argument du gouvernement : les lieux culturels génèrent des files d’attente. « C’est faux. Aujourd’hui, la quasi-totalité du public achète son billet sur internet. Cela lui coûte d’ailleurs moins cher ». Nouvelle raison : le manque de données scientifiques. « Il aura tout de même fallu attendre dix mois pour entendre cela ». Les bons résultats des expériences menées au Luxembourg et en Espagne ne suffisent pas. « Le gouvernement a besoin de territorialité dans ces études. Nous allons alors organiser des concerts-tests ». Ce pourrait être prochainement à Marseille. Par ailleurs, « nous commençons à travailler avec les professionnels de la santé qui partagent nos analyses et considèrent que nos lieux ne sont pas plus dangereux ».

De la dernière réunion au ministère de la Culture, il en est ressorti « pas grand-chose, estime la déléguée du SMA. Nous avons exposé ce que nous étions prêts à consentir : des jauges dégradées de 10 à 20 % avec une compensation des pertes de la billetterie par le centre national de la musique, la tenue des concerts pendant un couvre-feu, à 21 heures minimum, avec un horodatage des billets afin que le public puisse rentrer chez lui. Nous sommes d’accord pour recommander le téléchargement de l’application stopcovid mais ne pas l’imposer ».

Des aides encore

Jusqu’alors, le secteur des musiques actuelles traverse l’épidémie. « Nous n’avons pas eu de défaillances ». Les aides accordées seront-elles encore suffisantes ? Aurélie Hannedouche s’inquiète du changement des règles de l’activité partielle à partir de février 2021. « Elles sont maintenues pour les établissements fermés mais pas pour les autres structures, comme les producteurs de spectacles. C’est aberrant. Les seconds ne peuvent pas travailler si les premiers sont fermés ».

Quant à l’année blanche jusqu’en août 2021 pour les intermittents, elle ne sera pas suffisante. « Ils n’ont plus que six mois pour faire leurs heures et reprendre à plein pot. C’est infaisable ». Le manque de perspectives pèse aussi sur la tenue des festivals. « Ils doivent avoir lieu. Certains ont été annulés en 2020 mais beaucoup ont été reportés et le public a gardé les billets. La plupart n’ont pas la capacité de rembourser. Le festival à Albi a déjà décidé de multiplier les dates. Il se déroulera non pas sur trois mais six jours avec une jauge de 5 000 au lieu de 18 000 personnes. Et cela coûte plus cher ».

L’horizon ne s’éclaircit pas encore. « Cela a assez duré. Nous avons décidé d’être plus offensifs. Les discussions seront plus musclées dans les prochains jours ».