Un journal pour raconter la création

À partir de juin 2020, Dominique Boivin et Jean-Yves Lazennec, les directeurs de L’Arsenal, ont accueilli une quinzaine de compagnies en résidence dans divers lieux à Val-de-Reuil. Des temps de création précieux qui sont racontés par des artistes en mots et en dessins dans un journal de bord.

Que faire d’un théâtre vide à un moment où les programmations s’annulent de mois en mois ? Dominique Boivin et Jean-Yves Lazennec ont décidé au début de l’été 2020 de transformer L’Arsenal à Val-de-Reuil en « maison de création ». Depuis, une quinzaine de compagnies ont été reçues en résidence pour travailler. Quand le sort joue des tours, il faut trouver de multiples solutions. Une fuite d’eau conséquente a en effet contraint les deux directeurs à fermer le théâtre pendant plusieurs mois et trouver d’autres lieux. Il y a eu le conservatoire, La Factorie, Le Dancing, la maison des jeunes…

« Quand un théâtre est ouvert, il a toute sa légitimité. Quand il est fermé et inondé, l’idée de rendre un témoignage est encore plus utile. C’est comme si on créait à travers ce journal dans ce lieu qui ne pouvait plus exister », remarque Dominique Boivin. Les deux directeurs de L’Arsenal ont publié un journal de bord à 1 000 exemplaires. Là, il n’est pas juste question de rendre compte du travail des compagnies mais d’avoir « un regard d’artistes sur des artistes ». Marie Nimier, écrivaine, a capté quelques instants, une ambiance de ces résidences. Comme Patrick Pleutin dans ses dessins, réalisés sur le vif, lors d’une séance de répétition au plateau, un moment de pause ou une conversation autour d’une table. Jean-Yves Lazennec a l’œil du metteur en scène. Dominique Boivin et Philippe Priasso partagent leurs émotions. Le tout réuni dans 36 pages qui sont de véritables objets d’art.

Et les publics ?

Ces résidences sont également une réponse aux multiples demandes des compagnies. « C’est une solidarité active ». Toutes ont été rémunérées. « Nous n’avons imposé aucun cahier des charges, ni mis de pression. Nous avons convié les artistes à travailler en leur disant : même si vous n’avez pas d’idées, travaillez quand même. Ce sera positif. Cela s’est révélé un laboratoire », indique le danseur et chorégraphe.

Dominique Boivin et Jean-Yves Lazennec n’ont pas fermé les portes de leur théâtre aux artistes. Celles-ci leur restent encore ouvertes pour des résidences. Avec des rencontres qui permettront d’enrichir ce journal, très certainement sous un autre format. Les deux directeurs de l’Arsenal ont surtout hâte d’accueillir du public. « Nous sommes dans le deux poids, deux mesures, estime le metteur en scène. Dans plusieurs pays européens, les théâtres sont ouverts depuis plusieurs mois et il n’y a pas de foyers de contamination. Aujourd’hui, les professionnels continuent à voir des spectacles des compagnies qui sont en phase de création ou veulent présenter des étapes de travail. Je n’ai jamais autant travaillé depuis un an. Le covid a bon dos aujourd’hui et nous sommes entrés dans un truc pervers. Les compagnies vont réussir à jouer trois fois. Et après ? Par ailleurs, la question du public est mise de côté. Il y a une détresse sociale. Il faut trouver des moyens de souplesse pour accueillir les publics, surtout le plus jeune ».