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Réouverture des lieux culturels : de l’enthousiasme et de la prudence

C’est une annonce qui était vivement attendue. Les lieux culturels rouvrent le 19 mai avec cependant plusieurs restrictions et conditions. Cette fin de saison va être intense. 

La date a enfin été annoncée. Ce sera le 19 mai. Théâtres, salles de concert, cirques, musées, cinémas sont à nouveau autorisés à accueillir leur public. Les équipes des lieux culturels se montrent plutôt rassurées mais gardent un œil sur l’évolution du nombre de contaminations. C’est une condition à cette réouverture. Personne n’a oublié ce 15 décembre, une date d’ouverture tant espérée, évoquée par le président de la République à l’automne 2020 avant de décider de confiner le secteur pendant plusieurs mois.

« Cela a mis du temps pour que la culture soit considérée comme essentielle. Nous attendons cela depuis de longs mois », constate Raphaëlle Girard, directrice du Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray. Avec cette annonce, « il y a une lueur au bout du tunnel. Nous sommes contents mais prudents. Prudents parce que nous sommes suspendus à l’évolution de la situation sanitaire », remarque Bertrand Landais, coordinateur du projet artistique, culturel et territorial de L’Étincelle à Rouen. 

Au CDN de Normandie Rouen qui ouvrira en juin, Philippe Chamaux, directeur-adjoint veut garder « de l’optimisme, de la satisfaction. Nous sommes conscients, comme tout le monde que le virus circule toujours ». Lui aussi se montre « prudent. Ce que nous faisons depuis des mois. Nous sommes contents pour le CDN qui a travaillé sur des productions importantes pendant tous ces mois. Il a continué à exister par son activité ».

Marie Dubuisson, directrice du théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly et du centre Voltaire à Déville-lès-Rouen, n’en revient pas. « J’y croyais pour le mois de juin. Je ne pensais pas que tout allait rouvrir le même jour. C’est important que cette réouverture puisse se faire avant l’été. Cela permet de fermer cette parenthèse et de repartir à l’automne sur quelque chose de neuf. Nous avons hâte de retrouver le public ». Quant à Sophie Descamps, la directrice du Passage à Fécamp préfère « se raccrocher à la saison suivante. J’ai du mal encore à y croire. J’y ai tellement cru le 15 décembre. D’autant que nous n’avions plus eu du tout de vision par la suite ». 

« Que ça vibre »

Néanmoins, « Il y a un côté excitant à retrouver le public. Cette sensation est à nouveau là. Nous revenons au cœur de nos préoccupations. Pendant ces mois, nous avons mis de côté tous nos gestes de travail. Nous voulons maintenant sortir de nos ordinateurs et avons envie que ça joue et que ça vibre. C’est une joie partagée avec les artistes », confie Bertrand Landais. Valérie Baran, directrice du Tangram, se réjouit de « renouer des liens. C’est important. Je pense qu’il y a aussi une impatience et une boulimie chez le public. On le sait, la culture participe de notre équilibre psychologique ». 

Cette réouverture se doit être un signe fort pour Thierry Jourdain, directeur de l’espace culturel François-Mitterrand à Canteleu. « Nous sommes plus dans la symbolique, dans le militantisme. Il faut montrer que nous ne lâchons rien. Nous voulons ouvrir coûte que coûte. Même si c’est dans des salles avec une demi-jauge ou un un tiers de la jauge. Nous le faisons pour le public et pour les artistes afin de leur démontrer le renouvellement de notre engagement. C’est une démonstration de tout ce que nous avons dit pendant le confinement ».

Des contraintes

Cette reprise de l’activité dans le milieu culturel se déroule en effet avec plusieurs contraintes à respecter. Le 19 mai, le public devra rester assis et les jauges ne pourront pas dépasser les 35 %, dans la limite de 800 personnes. Il faudra attendre le 9 juin pour que le pourcentage de remplissage des salles atteigne 65 % puis le 1er juillet pour que toutes les restrictions soient levées. Sans oublier les changements d’horaires du couvre-feu, « un vrai casse-tête, selon Marie Dubuisson. Ce sont des conditions ultra-dégradées. Nous aurons comme un concentré de saison mais pas avec le confort du lancement ». Raphaëlle Girard regrette de ne pouvoir accueillir les groupes. « C’est encore une saison sacrifiée pour la jeunesse ». Thierry Jourdain a dû annuler toutes les premières parties des concerts « avec la promesse d’une programmation plus tard ». Philippe Cogney, directeur de la scène nationale de Dieppe, ne se satisfait pas de ces conditions. « Les informations arrivent de manière tardive et pas de façon satisfaisante. C’est un service minimum, un pis-aller avec un couvre-feu et des jauges réduites. Nous espérions un horodatage qui n’a pas été négociable. Nous sommes dans des doses homéopathiques ». Peu importe pour Bertrand Landais : « Même si nous devons accueillir seulement 50 personnes, il y aura cependant du monde chez nous. C’est la qualité de la relation qui importe ».

À partir du 19 mai et jusqu’à la mi-juillet, les directrices et directeurs des salles proposent une série de spectacles, avec ceux qui étaient prévus et les autres qui ont été reportés. « Ce n’est pas une ouverture de saison parce que nous l’avons ouverte et fermée en octobre, estime la directrice du Rive Gauche. À chaque fois, j’ai fait le pari de reporter les spectacles de mois en mois. Et tous ces paris, je les ai perdus. Par exemple, Féminines de Pauline Bureau a été reporté quatre fois. Cette saison n’aura pas existé, sauf sur une brochure. La dynamique n’est pas là ».

Pour Valérie Baran, «  c’est un petit sentiment d’ouverture de saison après un faux départ en septembre. Nous allons proposer une petite saison express avec trois à quatre mois d’activités concentrés en un mois. Nous l’envisageons avec beaucoup d’enthousiasme, d’impatience et d’interrogations encore. Il nous manque encore des précisions sur les conditions d’accueil du public ». La directrice du Tangram reste cependant inquiète quant à la tenue des concerts avec un public debout.

Il est bien évidemment impossible de rattraper le temps perdu. Pendant ces quelques semaines avant les vacances d’été, les agendas vont vite se remplir avec des spectacles reportés et les créations qui n’ont pu rencontrer le public.