Bouba Landrille Tchouda : « C’est le groupe le plus agréable avec lequel j’ai travaillé »

photo : Fabrice Hernandez

Bouba Landrille Tchouda termine sa résidence au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray avec une proposition artistique singulière menée avec le théâtre Juliobona. Il a réuni sur un plateau 13 jeunes interprètes amateurs, habitant à Saint-Étienne-du-Rouvray et à Lillebonne, dans Les Gens d’à côté, le deuxième volet d’un projet participatif qui questionne les actes de violence. Avant la création donnée mardi 11 mai au Rive Gauche, le danseur et chorégraphe, fondateur de la compagnie Malka a mené divers ateliers d’écriture et partagé de nombreux moments d’échanges avec ces adolescentes et adolescents. Le spectacle sera transmis sur les réseaux du Rive Gauche et de Juliobona. Entretien avec Bouba Landrille Tchouda.

Comment avez-vous vécu cette expérience avec les adolescentes et adolescents de Saint-Étienne-du-Rouvray et Lillebonne ?

Ce n’est pas la première fois que la compagnie mène une telle démarche. Pour moi, c’est toujours une première fois parce que les jeunes sont toujours différents. Ils ont des familles, des histoires et des vies différentes. Le processus est tel qu’il permet à tout le monde de trouver sa place. Lors de cette expérience, nous voyons comment les jeunes bougent, précisent leurs positions, leurs idées, comment ils parviennent à transformer une faiblesse en une force. C’est très beau d’être à cet endroit. Sur ces points, les ados ont beaucoup de choses à dire. À Saint-Étienne-du-Rouvray et Lillebonne, ce fut une expérience forte.

Vous l’avez menée pendant un moment particulier, la pandémie.

C’est aussi pour cette raison que cette version ne ressemble à aucune autre. Elle a une saveur particulière. Elle est chargée de tout ce que nous vivons, de ce manque de contact. Il a fallu faire attention aux règles en vigueur. Nous ne voulions pas gâcher ces moments. Tout cela a renforcé les liens dans le groupe. 

Comment parvenez-vous à échanger avec les ados et à faire bouger ces jeunes à un moment où ils ne sont pas toujours bien dans leur corps ?

C’est le cœur du travail que je mène avec eux. Je pars toujours d’échanges. Nous discutons beaucoup. Je ne viens jamais avec des schémas définis, avec des mécanismes qui excluent. Le processus part d’eux-mêmes, de leur vécu. Au fil des ateliers, je leur donne des outils. Tout commence par des mots et aussi des maux et les corps deviennent des caisses de résonance de toutes les questions qu’ils se posent. On fait ainsi naître la danse. Ils ont appris à observer, analyser puis à mobiliser leur corps de façon poétique. À cet âge, on peut faire basculer vers quelque chose qui tend à nous extraire du monde. Là, il y a eu des discussions qui ont suscité des regards sur le monde. C’est dur de les entendre dire être déçus par les adultes, leurs amis ou ces gens vers qui ils ont placé de l’espoir.

Comment ce groupe vous a surpris ?

Ce fut étonnant avec ce groupe. Très vite, au bout d’un ou deux jours, j’ai eu l’impression qu’ils se connaissaient depuis toujours. Il n’y avait plus de barrières entre eux. Cette expérience est tout de même périlleuse parce qu’ils ne se choisissent pas, ils ne sont pas danseurs et ne pratiquent pas la gymnastique sportive. Ils n’ont posé aucun frein. Nous avons ainsi pu tout essayer, tout tester. C’est le groupe le plus agréable avec lequel j’ai travaillé jusqu’alors. Il y avait une belle qualité d’écoute, une bienveillance. Les voir produire leur propre danse m’a beaucoup touché.

Ont-ils été très inspirants ?

Oui, beaucoup. Ces jeunes m’ont nourri en tant que chorégraphe.

Quels souvenirs gardez-vous ?

La danse permet des espaces de rencontre, suscite la curiosité de la rencontre. Cette expérience, forte et unique, va s’inscrire dans le parcours de ces jeunes. C’est de ce type de projet dont nous avons besoin. Qui soulèvent des questions et donnent envie d’être ensemble, de rire et de pleurer ensemble. Cela restera une belle histoire.

Infos pratiques

  • Mardi 11 mai à 19h30 : retransmission en direct sur www.lerivegauche76.fr et sur les pages Facebook du Rive gauche et de Juliobona
  • photo : Fabrice Hernandez