Catherine Morin-Desailly : « Les Droits culturels doivent être un réflexe »

Pour ce quatrième entretien mené dans le cadre des élections régionales en Normandie, c’est Catherine Morin-Desailly, sénatrice et conseillère régionale, figure à la troisième place sur la liste seino-marine d’Hervé Morin, union de la droite, du centre et des indépendants. Elle expose les propositions culturelles. 

Quel regard portez-vous sur le secteur culturel normand ?

C’est un milieu qui reste très riche, très vivant avec de belles forces et des talents reconnus. Je le regarde aussi par rapport au travail que nous avons effectué et au soutien apporté pendant la crise sanitaire. Nous sommes désormais dans une période de reprise. Il va falloir être attentif à la façon dont cela va se dérouler. Au début de cette mandature, le président a réuni les acteurs culturels pour les écouter et annoncer son programme, Territoires créatifs 2016-2020. Il y avait une volonté de construire une nouvelle politique, de compter sur les atouts, les acquis et les potentielles richesses. Nous sommes partis du constat : la culture est un investissement pour l’avenir, l’économie, l’attractivité et un investissement pour l’humain. Nous avons pensé cette politique culturelle avec les autres directions de la Région. Il y a eu le travail avec les différentes agences régionales. Le contrat de destination a été nourri d’un plan de développement. Il y a eu un investissement à la clé pour l’inscription des plages du Débarquement au patrimoine de l’Unesco. À cela s’ajoutent les musées de la Mémoire. Il faut citer Normandie impressionniste, le Mont-Saint-Michel, le Moyen-Âge avec Guillaume le Conquérant et Jeanne d’Arc avec un investissement dans les châteaux, Flaubert qui a mis en valeur une Normandie littéraire. La réussite vient de la perception des jeunes avec le développement de la carte Atouts et la politique au sein des lycées.

Comment assurer un maillage territorial ?

C’est tout le travail entrepris avec les intercommunalités. Après les élections municipales, les temps est venu de travailler avec elles au niveau culturel. Elles nous sollicitent. La question importante est celle-ci : comment accompagner le projet culturel ? Il y a les soutiens aux petits théâtres des villes pour la création et la diffusion. La relégation du milieu rural est là. C’est ce qui a provoqué la gronde des Gilets jaunes. Nous sommes attentifs aux Droits culturels pour répondre aux besoins des populations.

Les Droits culturels ont été mis à mal pendant la crise sanitaire.

Les Droits culturels doivent être un réflexe et appropriés par chacun. Parfois, on les voit comme une politique à part avec une référence au handicap, à la culture en prison… Or ils doivent infuser chaque démarche culturelle. Quand on réfléchit à une programmation, on réfléchit à la façon dont on peut toucher chacun des publics. Lors d’une réunion à l’IMEC, nous avons défini les critères devant présider aux Droits culturels comme l’égalité femme-homme, la diversité culturelle, l’accessibilité aux œuvres et à la pratique artistique et l’équité territoriale. Fin 2020, c’est une quarantaine de structures qui sont labellisées. Il y a eu aussi la charte signés par les acteurs régionaux pour une culture courageuse et généreuse.

Dans le programme, vous mentionnez la création d’une plateforme audiovisuelle dédiée à la culture normande. À quoi servira cet outil ?

C’est une Culturebox normande. Pendant cette crise sanitaire, nous nous sommes aperçus du lien tissé entre les compagnies et le public grâce aux écrans. Il y a eu des captation de répétitions, de spectacles, de concerts. On pense aussi aux publics empêchés. Rien ne vaut la présence réelle dans une salle. Cependant, il est nécessaire de capitaliser ce qui a été de positif pendant ces mois. Nous réfléchissons à la mise en œuvre d’une plateforme avec France 3 Normandie et La Chaîne normande.

Les artistes vivent encore dans l’incertitude. Pensez-vous à un autre plan de relance ?

Bien entendu. Le président a réuni les acteurs culturels pour faire un état des lieux. Nous allons les accompagner pendant les mois qui viennent. Il y a eu une réunion de comité territorial de la culture en présence des représentants des festivals pour mesurer leurs besoins. Il y a eu un plan d’urgence et de relance de 4 millions d’euros. Il va falloir accompagner la diffusion des spectacles qui s’accumulent. Nous pensons à créer un week-end de mise en lumière de l’ensemble des structures culturelles lors d’un événement festif qui renvoie au lancement de saison. 

Autre mesure : favoriser la transition numérique dans le secteur du livre. Comment y parvenir ?

Nous avons eu un débat sur la concentration des plateformes et la gratuité des frais de port. C’est une concurrence déloyale. Dans le plan de bataille, il s’agit que les politiques publiques accompagnent les initiatives de proximité pour la distribution des livres. Là aussi, rien ne fait le contact avec le librairie et la médiation. Nous avons fait des constats et la crise a obligé les librairies à s’organiser.

Le programme annonce une aide à la réalisation de projet artistique pour les jeunes.

Dans le cadre des Droits culturels, nous sommes attentifs aux talents potentiels, aux initiatives qui peuvent être repérées dans les lycées. Il faut les susciter et les encourager.

Où en est la réflexion sur la création du pole d’enseignement supérieur ?

La balle est dans le camp du ministère. Quand le ministère a souhaité dix nouveaux pôles d’enseignement supérieur, nous avons absolument souhaité candidater. Or nous n’étions pas dans la majorité à cette époque. Le DRAC (directeur régional des affaires culturel, ndlr) le voulait aussi. Alain Le Vern, alors président de la Région qui envisageait un rapprochement avec la Picardie, a répondu avec un non catégorique. Notre vitalité culturelle justifie pleinement ce prolongement vers ce pole supérieur. D’autant qu’il n’y a rien entre Lille et Rennes. Depuis, le projet a été abandonné.

Quelques années plus tard, pouvez-vous dire que les fusions des agences régionales se soient bien passées ?

Au début de la mandature, il a fallu écrire une nouvelle page, montrer une lisibilité à l’ensemble des Normands, construire une politique sur tout le territoire. Pour cela, il fallait un opérateur, donc une fusion dans la filière du livre, de l’audiovisuel et du cinéma. Cela s’est bien passé même s’il y a eu un peu de friction quant au choix d’implantation des agences. Il y en a une à Rouen et une à Caen. Aujourd’hui, il y a un réel sentiment d’appartenance à ces structures. Ce fut le même souci avec la plateforme lyrique et symphonique qui se construit avec nos orchestres. Les arts plastiques ne vont y échapper. Le Frac Normandie est la fusion des deux Frac. Avec un EPCC, il s’inscrit dans la pérennité. Il va falloir écrire un projet pour mettre en valeur les collections et l’histoire des collections. Il y a beaucoup d’ambition pour ce Frac. Comme pour les musiques actuelles. Il est important d’avoir des outils qui sont des leviers de politique publique.