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Valérie Baran : « nous oublions trop souvent le merveilleux »

photo : Le Tangram

Dix spectacles, des rencontres, des conférences, des ateliers, du cinéma, des promenades en forêt : c’est tout le programme de la première édition des AnthropoScènes, le festival du Tangram qui dépeint l’avenir sous un autre angle de vue. À suivre avec Anne-Cécile Vandalem, Bruno Latour et Frédérique Aït-Touati, Frédéric Sonntag, Marion Sieffert, Johanny Bert, Sofia Teillet, Mindiya Kepanga, Jacqueline Caux, Corine Sombrun, Jean Jouzel du 29 avril au 15 mai à Évreux. Explication avec Valérie Baran, directrice du Tangram.

Depuis combien de temps êtes-vous sensible aux thématiques écologiques ?

Depuis toujours. Je fais partie d’une famille amoureuse de la nature. C’était un des sujets de préoccupation. J’ai grandi à la campagne. Même si je suis très citadine, je trouve beaucoup de merveilleux dans la nature. La nature, c’est ma culture ! Mon choix de venir vivre à Évreux n’est pas anodin. C’est une ville verte et boisée avec un patrimoine naturel magnifique. Désormais la nature est un des grands enjeux de ce siècle. Le troisième volet du rapport du GIEC qui vient de paraître nous le rappelle. 

Depuis combien de temps les artistes s’emparent-ils de ce sujet ?

À mon sens, c’est assez récent. Il y a plusieurs années que je nourris ce projet des AnthropoScènes. Depuis quelque temps, il y a une accélération des productions. La pandémie a joué également un rôle important dans la prise de conscience. Le monde artistique et culturel, par la voix des structures professionnelles, des associations et des syndicats, réfléchit à la transition écologique. Pour tout le monde, la crise sanitaire a favorisé cette prise de conscience. Dès son premier rapport, le GIEC avait vu juste. Et nous étions un peu atterrés. Il ne faut pas oublier. Nous parlons de l’avenir de l’espèce humaine. La population a pris conscience des enjeux. Seul l’appareil politique peine encore. Ses réponses ne sont pas à la hauteur des attentes citoyennes. 

Quel est l’objectif du festival des AnthropoScènes ?

Il est là pour alerter et sensibiliser. Le rôle de l’art et de la culture est d’amener à réfléchir sur la société, sur ses enjeux les plus cruciaux. Nous sommes à l’endroit où l’on débat, on évoque, on se rassemble. Aujourd’hui, nous avons besoin de nous rassembler et de partager des idées sur notre monde. Pendant le festival, nous allons discuter, échanger et essayer de trouver des solutions. Même si le constat n’est pas joyeux. Néanmoins, il est encore temps d’agir.

Qu’est-ce qui a guidé cette programmation ?

Avec Julien Bourguignon, directeur délégué à la programmation, et Myriam Baran, la commissaire scientifique, nous nous sommes dit que nous avions vécu pendant deux ans à la fois déconnectés du reste de la société et connectés par le numérique. Il était temps maintenant de se reconnecter à la nature, à la terre. Il y a des populations qui vivent en symbiose totale avec leur environnement. Certaines considèrent même qu’elles font partie de ce tout. Elles appartiennent à la terre. Et nous, nous considérons que la terre nous appartient et qu’elle est une ressource, comme une autre, que nous pouvons exploiter. Nous avons aussi voulu aborder l’expérience de la transe. C’est une pratique courante dans le spectacle. La danse et la musique peuvent amener jusqu’à la transe avec ces moments de connexion à une autre perception. Il y aura aussi des ballades sous hypnose pour être en lien avec des arbres remarquables. La nature est une grande source d’inspiration.

Que disent les artistes ?

Anne-Cécile Vandalem a écrit une grande fresque où deux familles vivant dans une nature sauvage et puissante vont se faire la guerre. Il y a la trilogie de Bruno Latour. C’est une première. Nous allons retrouver toute sa pensée. Pour les enfants, Alex au pays des poubelles aborde la question de l’hyperconsommation. Sofia Teillet donne dans une conférence drôle et coquine une explication de la haute technicité des orchidées. Marielle Pinsard fait de petits arrangements avec la réalité. Ontroerend Goed joue ce spectacle palindrome. C’est très surprenant de voir des comédiens jouer à l’envers. Simon Gaucher fait justement L’Expérience de l’arbre. Dans le butō, l’arbre est le symbole du survivant. Dans tous les endroits où il y a une catastrophe, il reste des arbres qui sont une trace. Ces spectacles sous des formes différentes rappellent l’importance de cette nécessité d’opérer une transition. Alors, il faut alerter, titiller et inviter à nous émerveiller. Nous oublions trop souvent ce merveilleux.

Vous avez aussi souhaité des rencontres avec des personnalités.

Elles sont importantes aussi pour nous permettre de nous reconnecter. Il faut entendre ces représentants des peuples racines qui entretiennent des relations fortes avec les forêts. Mundiya Kepanga a pris le relais de Raoni Metuktire. Ivanice Tanoné, une femme rare, est la gardienne des semences. Elle viendra parler de la situation au Brésil et donné une cérémonie avec des chants sacrés pour remercier la Terre.

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