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Claire Nebout : « Frida Kahlo est un cœur battant »

Photo : Pascal Gély

Claire Nebout est seule sur scène dans Viva Frida. Elle est Frida Kahlo, cette artiste mexicaine, libre, communiste, amoureuse, qui a dû supporter les souffrances d’un corps après une poliomyélite à l’âge de 6 ans et un accident de bus à l’adolescence. Rien n’a jamais entamé sa soif de vivre. En sept tableaux, écrits par Didier Goupil et mis en scène par Karelle Prugnaud, Claire Nebout joue cette femme combattante, avec un caractère entier, vendredi 16 septembre à la scène nationale de Dieppe dans le cadre des journées du matrimoine. Entretien.

Aviez-vous imaginé ce seule-en-scène comme un défi ?

Oui parce que j’ai le goût de me remettre souvent en question, de sortir de ma zone de confort. J’aime les défis pour explorer, m’améliorer, grandir dans ce métier. Quand on est seule sur scène, on ne peut que s’en prendre à soi. Avec ce spectacle, je dois tenir pendant une heure et demie. Frida Kahlo est un personnage époustouflant qui donne des ailes. Cette femme engagée fait qu’elle est encore d’une grande actualité et peut aider à faire comprendre certaines choses, aux femmes et aussi aux hommes. À Dieppe, nous reprenons le spectacle. Je sens que le personnage a bien mûri dans le corps et dans le cœur.

Pourquoi le choix d’un personnage s’est-il porté sur Frida Kahlo ?

J’ai beaucoup parlé avec Didier Goupil, l’auteur. Physiquement, il y a une force qui se dégage de cette femme, avec ce côté androgyne. Je suis fascinée par sa peinture. Au début du travail, nous avons lu plein de livres sur elle, de biographies. Ce qui a permis d’aller profondément dans sa vie et dans son œuvre. Elle est aussi devenue un produit markéting. On peut trouver toutes sortes d’objets avec son portrait. Cette image souille son art, sa vie, son combat. Frida était très engagée, communiste. Elle a été trahie par son grand amour, Diego. Dans ce spectacle, nous redonnons toute l’authenticité à Frida Kahlo et une vraie pureté.

Qu’a véritablement encore à nous dire Frida Kahlo aujourd’hui ?

Frida Kahlo a grandi à travers les épreuves. Elle a subi le machisme et elle a réussi à s’émanciper. Il y a une force dans son engagement. Elle a toujours assumé ses idées. Après l’accident, elle a été pénétrée par une barre de fer qui a fracassé son corps. Malgré cela, elle se dit : c’est pas grave, je continue. Il y a chez elle une envie de survivre.

Le message peut être là : ne jamais renoncer.

Elle avait une vision moderne pour l’époque. Son père la considérait comme une diablesse. Frida Kahlo est un cœur battant, une guerrière. Quand je pense à elle, je pense à toutes ces femmes maltraitées par les hommes, la société, le travail. Elle nous dit qu’il ne faut jamais baisser les bras mais croire en soi.

Sur scène, est-ce que Frida Kahlo vous donne de la force ou vous épuise ?

Elle donne de la force. Quand je sors du plateau, je suis remplie de gratitude et de reconnaissance parce qu’elle est pleine de vitalité. Le texte est une voix intime, très respectueuse. J’espère qu’elle nous écoute et est fière de ce que nous avons fait.

Karelle Prugnaud a un rapport très physique au plateau. Comment avez-vous travaillé avec elle ?

Elle vient du cirque et est investie à 300 % dans son métier. Comme elle est très exigeante et a mis la barre très haut et je ne savais pas si j’allais y arriver. Avec elle, il faut être impliqué et il est impossible de tricher. Karelle m’a beaucoup appris. Elle est aussi très à l’écoute et patiente. J’ai pu trouver cette force vitale qu’avait sans doute Frida.

Sur scène, votre corps est contraint. Il est corseté. Vous jouez même sur une planche avec des clous, comme un fakir.

Ces choix retranscrivent la contrainte du corps de Frida. Lors de la première séquence, je hurle le désespoir après la trahison de Diego. Puis je suis au centre du plateau et je n’en bouge pas. Je monte sur ce tapis de clous. Au début, ça picote un peu. Après, ça passe. Je suis stoïque. Comme une statue précolombienne qui raconte l’histoire de cette femme. Plus tard, je déterre Frida. Je me prends plein de terre sur le visage, dans les yeux, dans les cheveux. Elle a trouvé sa liberté.

Vous aussi, avez-vous trouvé cette liberté de jeu dans ce cadre ?

Oui et ça demande une énergie folle. Avant de venir sur le plateau, il faut être en forme pour pouvoir tenir et être rigoureuse, être dans l’émotion, dans la justesse et dans le moment présent. Ce fut un long chemin. On ne l’a pas trouvé tout de suite. Encore maintenant, des choses fleurissent. Karelle m’a fait grandir. J’ai passé une étape qui me manquait dans mon métier. J’espère pouvoir jouer des rôles encore plus complexes.

Infos pratiques

  • Vendredi 16 septembre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe.
  • Durée : 1h30
  • Tarifs : de 25 à 12 €
  • Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr