Mademoiselle K : « La guitare est ma consolation »

photo : DR

Mademoiselle K donne un concert samedi 5 novembre au 106 à Rouen. C’est la deuxième date de cette nouvelle tournée qui arrive juste après la sortie de son sixième album, éponyme, et cinq ans après Hungry Dirty Baby. Elle sera également jeudi 24 novembre au Big Band Café à Caen le 25 novembre à La Luciole à Alençon. Katerine Gierak parle avec tendresse et ardeur d’une intimité, de féminité, de rêves et de manque. L’énergie rock est toujours là et se mêle à un folk élégant. Entretien avec Mademoiselle K.

Est-ce que ce nouvel album a été écrit pendant ces cinq années passées ?

Oui, il a été écrit pendant ces cinq années. C’est le vrai temps de maturation de cet album, de travail de composition et d’arrangements. Les débuts des textes datent de 2018. Je n’ai pas écrit et composé pendant cinq ans mais il y a eu des phases très intenses.

Le visuel de l’album reflète une certaine insouciance. Vous mangez une glace sous un ciel bleu. Or celle-ci est complètement absente dans les différents titres. Pourquoi ce choix ?

La glace est un clin d’œil à la chanson, Garçon bleu, douce et légère. C’est la chanson qui fait du bien. Cette photo est arrivée à la fin du trajet. J’ai eu beaucoup de mal à aboutir cet album. Je me suis d’ailleurs demandée si j’allais arriver au terme de ce travail. Quand tout a été terminé, il y a eu ce moment de légèreté. Mais tout s’est aussi accéléré et il a fallu prendre plusieurs décisions, notamment faire le choix de la pochette. C’était à la fin des périodes de confinement. Je me suis souvenue d’une amie qui m’avait parlé d’une glace bleue. Un bleu qui est hyper beau. Ce qui m’a fait penser au titre. J’aime bien aussi cette image sur laquelle on ne voit pas tout mon visage. S’il avait fallu faire un portrait de moi, seule, je n’aurais pas été à l’aise. En effet, il y a de l’insouciance et c’est très bien.

Dans l’album, vous parlez beaucoup d’intensité.

L’album a failli s’appeler Nos Intensités. Il y a différents niveaux d’intensité. Elle peut être forte ou faible. Tout est une histoire de vie. C’est surtout ma manière de vivre. Parfois, ce n’est pas facile à gérer au quotidien. Des choses peuvent prendre des proportions énormes. Beaucoup de chansons de l’album sont en fait des fantasmes. Et j’ai eu un vrai plaisir à les écrire.

Est-ce que l’écriture est un moment intense ?

Ce n’est pas vraiment intense. Tout part d’un endroit très profond, de sensations physiques. Je peux même être dans des états limites. Il peut certes y avoir aussi des intensités dans les profondeurs. Par exemple, Ta Sueur est une chanson plus posée. Pour moi, cette manière de parler est assez nouvelle. C’est parfois plus fort que de hurler. Pour la petite histoire : je me suis sectionnée le pouce en jetant un plat dans la poubelle. La fente était hyper profonde. J’ai eu la chance d’être rapidement prise en charge et d’être opérée. Comme je suis guitariste avant d’être chanteuse, je me suis demandée comment j’allais jouer avec seulement quatre doigts tout le long du trajet jusqu’à l’hôpital. Je me suis rendue compte à ce moment-là à quel point mon instrument est important pour moi. La guitare est ma consolation. Suite à cet épisode, j’ai vu dans quel état cet accident m’avait mise. Pourtant c’est juste un pouce. Mais ce n’est en fait pas juste un pouce. Après l’opération, j’ai porté pendant deux mois une attelle. J’ai même commencé les répétitions avec cette attelle. Nous avons joué et ce morceau, Nos Intensités, est arrivé. J’étais tellement contente de jouer.

Avez-vous fait appel à vos cinq sens pour écrire ?

Il y a souvent des chansons qui parlent du corps, abordent des questions d’odeur. Ta Sueur est un morceau très intime. Quand on aime une personne, on aime son odeur. J’aime aussi l’odeur des livres. Lorsque j’ouvre un livre neuf, il faut que je mette mon nez entre les plis. Je vis désormais avec un petit garçon. Il a repris cette habitude. Probablement ma mère le faisait. Avec Gratin de tendresse, on est dans le goût. Cela a été un réel plaisir de l’écrire aussi. Comme on cuisine un plat. J’adore ça. Quand je cuisine pour ce petit garçon, je mets beaucoup de tendresse. Là, nous sommes dans la transmission et dans l’exploration.

Comment avez-vous pu rêver d’un CRS ?

J’ai écrit cette chanson pendant les manifestations des Gilets jaunes. Je voyais la violence, tous ces gens qui en prenaient plein la gueule. Cette écriture est un jeu. Cela me faisait marrer de partir d’un geste violent et de le détourner pour contrecarrer cette agressivité. Personne n’est dupe, bien évidemment.

D’où vient cette phrase, Je m’ennuie, dans Chloroforme ?

Dans cette chanson, la phrase la plus importante, pour moi, est J’ai pas la réponse. J’ai voulu aborder le poids de l’image qu’a une personne. Parce que l’on doit toujours se trimbaler avec elle. C’est d’ailleurs difficile de la modifier. En ce qui me concerne, je ne vais quand même pas faire des reproductions de Ça me vexe ou Jalouse. Quelque part, je suis installée dans la musique. J’ai ma place. J’arrive à un âge où les meufs disparaissent. C’est difficile entre 40 et 60 ans. Je vois bien cela et je le sens. Dans cette tranche d’âge, il y a un problème de représentation dans la musique, notamment dans le rock. Or le rock, c’est mon esthétique. Je me suis construite avec ma guitare. Dans cette chanson, je me suis demandée ce que j’allais devenir. En vrai, je ne m’ennuie pas. J’aime ne rien faire. Et le rien faire me laisse l’espace de l’écriture.

Infos pratiques

  • Samedi 5 novembre au 106 à Rouen à 20 heures au 106 à Rouen. Première partie : Bad bad Bird. Tarifs : de 26,50 à 17,50 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Jeudi 24 novembre à 20 heures au Big Band café à Hérouville-Saint-Clair. Première partie : Madam. Tarifs : de 25 à 18 €. Réservation sur www.begbandcafe.com
  • Vendredi 25 novembre à La Luciole à Alençon. Tarifs : de 22 à 16 €. Réservation sur www.laluciole.org