Vincent Delerm : « Rouen, je l’ai beaucoup ressassée dans mes chansons »

photo : Laurent Humbert

Une double actualité pour Vincent Delerm ; histoire de fêter 20 années de carrière. Il y a un livre avec deux disques, Comme Une Histoire / Sans Paroles, publié le 28 octobre, et une tournée qui passe par Le 106 à Rouen vendredi 2 décembre. Une carrière de chanteur, pour faire vite. Mais en fait, plutôt celle d’un touche-à-tout qui connaît son bonheur… C’est sa carrière que fait défiler Vincent Delerm dans son livre mais aussi une sorte de « Merci, la vie » réjouissant où l’on retrouvera tous ceux qui l’ont soutenu, accompagné, ému… En témoigne un peu plus la liste compacte de plus de 200 noms célèbres ou pas qui clôt l’ouvrage. Car Vincent Delerm se définit avant tout par ses rencontres. Dans le livre encore, des images persos, des photos de studios d’enregistrement, les flyers des concerts à Rouen, les mots gentils de Trintignant, sa photo avec Moustaki, des manuscrits de chansons… Un joyeux foutoir, forcément mélancolique, qui dessine en creux le portrait d’un artiste heureux. Entretien avec Vincent Delerm qui sera vendredi 2 décembre au 106 à Rouen.

Pas trop anxiogène de se lancer sur une nouvelle tournée ?

Pas du tout. On attend ce moment à l’infini, au contraire. C’est une chance incroyable !

Un livre avec, pas un, mais deux albums. Et plein de surprises de toutes sortes…

Je voulais créer quelque chose avec des objets qui ne sont nulle part. Et puis, je ne suis pas très compil’. Je n’ai pas forcément envie de réentendre de vieilles chansons avec une voix qui n’est pas la même, par exemple… J’essaie de faire quelque chose avec une matière que l’on peut faire vivre. Ce sont des choses très fragmentées, des duos, des enregistrements, un bout de piano-voix… Ça me plaît de penser que cela pourrait inspirer un jeune de 15 ans, dans sa chambre, qui aurait envie de faire de la musique.

C’est une habitude pour vous de proposer des choses qui sortent du cadre…

Les « pas de côté », ce n’est pas venu d’un coup. C’est notamment en 2011 quand j’ai présenté Memory. Un spectacle principalement autour du jeu du théâtre, avec des musiques écrites pour ce projet. C’était un peu quitte ou double ! On aurait pu me dire : « OK, t’es sympa, mais bon, ça va… » Et les gens ont été là. J’ai la chance d’être depuis longtemps chez le même label (Tôt ou tard, ndlr) – c’est rare – et j’ai la permission de proposer. Ils ne sont pas inquiets mais moi, il faut que je bosse bien le truc… Et je profite au maximum de cette situation. Mais je dois avouer aussi que j’ai un peu de mal quand c’est un autre que moi qui décide de ce que je dois faire.

Pas de contraintes…

Je n’ai pas de manager et je suis assez solitaire, en fait. Et ça tombe bien, le label ne me demande pas tout le temps – comme ça peut arriver ailleurs – « t’en es où ?! ». On me laisse tranquille. Les projets prennent forme ; souvent à la toute fin. Même si tout est longuement préparé, il faut que le projet m’échappe à un moment…

On est loin de la chanson bâclée sur un coin de table et qui fait un carton…

Je suis très laborieux. Je dois faire beaucoup pour en tirer quelque chose et je peux passer des journées entières à faire des chansons… pourries. A l’inverse, des fois, j’ai l’impression de ne pas avoir d’idées, et puis, ça vient. Mais la chanson géniale vite créée, franchement, ça n’arrive pas. Ça entretient le mythe des artistes au statut à part, comme s’ils vivaient sur une autre planète mais ça ne ressemble pas à ça la plupart du temps. Pas chez ceux que je connais… ! Biolay, Cherhal, Camille… ils bossent beaucoup. Je ne veux pas désacraliser le travail de l’artiste mais je ne veux pas non plus, à l’inverse, le sacraliser…

On retrouve Rouen dans le livre ; notamment au début. Premiers concerts, premier enregistrement… C’est loin, tout ça ?

Rouen, je l’ai beaucoup ressassée dans mes chansons. Ça a beaucoup compté évidemment. Entre 17 et 25 ans. C’est là que les premières personnes m’ont dit que j’avais un truc. A la salle Ronsard, il y avait une vingtaine de personnes qui applaudissaient – on l’entend sur l’enregistrement – et c’est important quand tu as l’intime certitude de vouloir devenir chanteur sans être tout à fait sûr…

Parlons concert, justement. Là aussi vous cultivez toujours votre différence avec un vrai show, loin de l’image du chanteur « bobo » austère et mélancolique…

C’est un vrai plaisir à chaque fois. J’ai toujours mon petit personnage qui intervient entre les morceaux et qui joue sur le même registre, un peu surpris d’être là au concert… C’est pratique parce que ça permet d’échanger vraiment avec le public.

Dans le livre, on sent aussi une immense admiration pour tous ceux que vous avez croisés. C’est important ?

J’adore les chansons des autres, déjà. Et j’ai un plaisir immense à les accompagner, au piano, par exemple. C’est un peu paradoxal parce que mes chansons sont très autofiction, persos… Mais, en fait, j’aurais pu juste bosser dans ce métier sans être sur le devant de la scène.

Propos recueillis par Hervé Debruyne

Infos pratiques

  • Vendredi 2 décembre à 20 heures au 106 à Rouen
  • Comme Une Histoire / Sans Paroles, Tôt ou tard