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Récit d’un pillage patrimonial

Photo : Danielle Voirin

Férue d’art, Gaëlle Bourges revient sur le pillage d’œuvres par les pays dominants, notamment le vol d’une statue grecque. La danseuse et chorégraphe raconte cet épisode à travers une correspondance et des états de corps dans OVTR (On va tout rendre) jeudi 12 janvier au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray lors du festival C’est déjà de la danse.

Il en manque une… Une des six cariatides, soutenant le portique du temple d’Érechthéion à l’Acropole, a été sciée au début du XIXe siècle. Un caprice du lord Elgin, ambassadeur britannique à Constantinople, qui les voulait toutes pour sa maison en Écosse. La statue se trouve désormais au British Museum à Londres. « C’est terrible de la voir toute seule. Elle a été déposée à l’écart dans une annexe moche et grise sous un faux portique. Les cinq autres sont, elles, au musée d’Athènes. À côté d’elles, il y a une place vide ».

Gaëlle Bourges va puiser une nouvelle fois son inspiration dans l’histoire de l’art. Aller dans les musées, la danseuse et chorégraphe aime ça depuis l’adolescence. « J’ai toujours été bouleversée de voir des œuvres anciennes réalisées par des personnes comme vous et moi ». Elle regarde ce passé avec un esprit critique. « J’ai un réel plaisir à voir toutes choses venant d’Égypte et d’autres pays. Elles m’impressionnent. Mais j’ai toujours trouvé cela bizarre d’avoir une momie au Louvre. Lors de mes études, j’ai eu accès à des textes critiques de l’histoire de l’art. Cela a aiguisé une pratique culturelle. On apprend qu’il y a eu des états puissants, surtout d’Europe du Nord, qui dominaient des pays, surtout du Sud. Tout un système de pillage de patrimoines s’est mis en place ».

« Des états de voix et des états de corps »

Gaëlle Bourges qui préfère observer les choses « par le petit bout de la lorgnette » raconte l’hégémonie d’un pays à travers le départ de cette cariatide du temple d’Érechthéion dans ce spectacle au titre explicite, OVTR (On va tout rendre), présenté jeudi 12 janvier au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray. Une pièce avec « des états de voix et des états de corps ». La voix, c’est celle de Gaspard Delanoë, le narrateur, qui lit des lettres du lord Elgin, de son épouse, Mary Elgin, du peintre italien, Giovanni Battista Lusieri… Il y a celles aussi des artistes de la scène punk-rock britannique réunis dans une bande son de Stéphane Monteiro. 

Quant aux corps, ce sont ceux des danseuses et danseurs de la troupe de Gaëlle Bourges. Vêtus de péplos et coiffés de chapiteaux, ils sont les statues de marbre. Ils assistent au départ de l’une d’elles et à la démolition de leur monument. « Comme on déconstruit notre temple, on se déshabille nous-mêmes, tout en gardant nos chapiteaux et nos Dr. Martens blanches, pour montrer la nudité des choses arrachées ». Selon la légende, les cinq cariatides pleurent depuis deux siècles.

Infos pratiques

  • Jeudi 12 janvier à 20h30 au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray
  • Durée : 2 heures
  • Tarifs : de 18 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr
  • Aller au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce