Christian Olivier : « les artistes russes sont allés au bout de leur poésie »

photo : Bénédicte Roscot

Maïakowski, Pasternak, Tsvetaïeva, Akhmatova, Volochine, Klebnikov, Zdanevitch, Mandelstam… Tous des auteurs et autrices, poètes et poétesses russes. C’est dans cette littérature que Christian Olivier a extrait les textes de ce nouvel album, Le Ça est le ça (sortie le 24 mars). Il est question de liberté, de lutte, d’engagement, de la beauté de l’art… Le leader de Têtes Raides, qui a travaillé avec le traducteur et dramaturge André Markowicz, a composé un écrin musical soulignant toute l’urgence et la mélancolie contenues dans ces écrits. Il est jeudi 2 mars à La Sirène à barbe à Dieppe et vendredi 3 mars au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen pour un concert où il met en miroir les textes des artistes russes et les siens. Entretien.

Est-ce que la littérature et la poésie russes font partie de vos lectures régulières ?

J’en lis davantage maintenant. Quand j’ai démarré la musique et l’écriture, je baignais dans la poésie de manière générale. J’ai alors découvert des auteurs russes. J’ai commencé avec Maïakowski. Dans les albums de Têtes Raides, il y a eu des poètes invités, comme Tsvetaïeva. Il y a eu ensuite Alexandre Block. Après, j’ai lu Akhmatova… À un moment, je me suis dit : je vais rassembler tous ces auteurs. 

Qu’est-ce qui touche dans cette littérature ?

Ce qui me touche, c’est avant tout le texte, la manière dont ces auteurs écrivent. Tous se connaissaient, ont échangé, ont eu des histoires ensemble. Leur volonté : un changement général de la société. Aujourd’hui, nous savons comment cela s’est terminé. 

Parlez-vous le russe ?

Non, je ne le parle pas. Je connais l’alphabet. Mais j’ai encore beaucoup de travail.

Vous avez choisi des textes très littéraires. Pourquoi ?

Oui, complètement. Ils sont assez chargés. Le Ça est le ça de Harms est plus léger, voire absurde et plein d’humour. Ce texte est plus proche de mon écriture. Pour moi, il y a une chose importante : ces textes ont été écrits pour être dits. À leur époque, il ne fallait pas laisser trainer un bout de papier. Sinon, c’était le goulag. Ils ont tous été gardés en mémoire. Nous avons aujourd’hui les textes de Mandelstam parce que sa femme les avait tous mémorisés. J’ai aussi choisi ces textes parce qu’ils ont tous quelque chose de contemporain. Même s’ils ont été écrits il y a un siècle.  Quand je lis de la poésie, je cherche enfin comment je vais pouvoir porter le texte et mettre de la musique dessus.

Ces textes sont aussi plein de colère et parle d’engagement.

Tout à fait. Cela fait partie de mon ADN. Ces gens se sont engagés jusqu’au bout. Il y avait quelque chose de viscéral en eux. Les artistes russes sont allés au bout de leur poésie avec des fins de vie tragiques.

Le souvenir est également très présent.

Il y a des souvenirs douloureux ou pas. La Hache, le texte d’Akhmatova, est très dense avec une certaine douceur. J’ai cherché la beauté. Avant tout, ils parlent de ce qu’ils vivent.

Et du froid également.

Le climat joue beaucoup. La Russie est un pays immense balayé par le froid et la neige. Le soleil, c’est la poésie.

Où est l’espoir dans ces écrits ?

Certains ont cru aux changements. Notamment Maïakowski. Pour lui, le monde allait changer. Il y  croyait dur comme fer. Mais il a fini avec une balle dans la tête.

Dans votre musique, vous soulignez l’urgence des textes. Était-ce votre volonté ?

Oui, chaque texte a sa propre musique. Il y a la révolte, le partage, la douceur… Et l’urgence est en effet dans chaque musique. Avec Édith Fambuena, nous nous sommes mis au service de la parole de ces auteurs.

Quelle est votre réaction lorsque vous entendez certains qui souhaitent mettre au ban les artistes russes ?

C’est une grosse connerie. Il ne faut pas mélanger tout. Il y a Poutine et le reste. C’est une absurdité de faire tomber les statues de Pouchkine et de ne plus faire entendre tous ces artistes. Ils ont tous combattus. Au contraire, il faut faire entendre cette poésie. 

Infos pratiques