Xavier Boyer, frontman de Tahiti 80, s’offre une nouvelle parenthèse en solo et sort Soda Coda, un EP composé de cinq perles pop qu’il vient, entre autres, jouer vendredi 10 novembre au 106 à Rouen. Six ans après la parution de Some/Any/New, ce surdoué de la pop-song montre une fois de plus son brio en matière de composition et d’arrangements. Une version solo où il assume plus ses références et sa culture du passé que dans Tahiti 80 mais le résultat est tout aussi probant. Entretien.
Pourquoi sortir seulement un EP cinq titres six ans après l’album Some/Any/New ?
J’avais l’impression d’avoir moins de pression à faire ce EP que d’entreprendre un projet d’album plus fastidieux. J’aime mener des projets en solo mais le rythme imposé par Tahiti 80 ces dernières années était assez prenant. J’écrivais pendant les périodes plus tranquilles mais il me fallait du temps pour finaliser le projet. Et puis la concision d’un EP est intéressante. Le format est assez homogène et moins chronophage. Et si l’écoute des chansons a évolué aujourd’hui, les formats restent les mêmes. On trouve toujours des singles, EP et albums, en physique ou sur Internet.
Some/Any/New était assez introspectif, quels sujets abordez-vous cette fois ?
J’étais moins serein à l’époque, je me trouvais dans une période personnelle un peu compliquée et j’avais peut-être besoin de la verbaliser. Je souhaitais cette fois sortir de l’introspection en jonglant entre la nostalgie et l’imaginaire, en me mettant dans la peau de quelqu’un d’autre. Oh Lisa, par exemple, raconte l’histoire d’une jeune fille qui fait référence à une ancienne correspondante anglaise dans mes souvenirs. Pour Soda Coda, j’ai joué avec les sons et les rimes mais c’est une expression inventée. Elle me fait penser à une belle image pop. Il y a un côté pétillant, une certaine effervescence dans la forme et le son de ces deux mots associés.
Oh Lisa dégage d’ailleurs une ambiance différente, presque exotique et proche d’une bossa.
On peut l’entendre comme ça et je l’ai volontairement placé au milieu du EP où il apporte une petite transition. L’idée était de sortir momentanément de l’ambiance du disque pour mieux y revenir au titre suivant. L’enregistrement du EP s’est déroulé à Paris et Oh Lisa est le seul titre où j’ai joué tous les instruments, ce qui pourrait expliquer cette petite différence également dans le ressenti. Il est peut-être plus léger mais je ne suis pas certain qu’il soit si différent du reste. C’est une bonne transition avec Stockholm syndrome qui ouvrait Some/Any/New.
La production sonne moderne mais avec un regard tourné vers les seventies.
Peut-être en réaction à Tahiti 80 où on essaie toujours de faire des disques dans l’époque où nous nous trouvons même s’il y a une forme certaine de classicisme pop dans l’écriture. Cette fois, j’avais envie de jouer avec les codes des seventies en me les appropriant. Je voulais mettre en avant des références musicales. On peut penser au Plastic Ono Band à l’écoute du son de batterie de Children Of The Sun. Dans sa forme, D-Day est un clin d’œil à Todd Rundgren que j’apprécie beaucoup. Je ne souhaitais pas le cacher et j’assume ce type de références. On pourrait même penser aux Hollies sur Oh Lisa. J’ai imaginé et conçu ce EP comme un disque au son chaleureux que je serais content d’écouter, en me situant entre hier et aujourd’hui. Pour le mastering, j’ai d’ailleurs travaillé avec une société hollandaise spécialisée dans la réédition et donc habituée à masteriser des productions anciennes.
Contrairement à Some/Any/New où vous avez presque tout fait seul, vous vous êtes entouré d’autres musiciens cette fois, pourquoi ?
Il y a des pièges à tout faire seul. On peut se sentir limité dans la conception de certaines parties, dans la pratique de certains instruments que l’on croit maîtriser. J’ai donc travaillé avec des copains, des gens qui me connaissent bien et qui, je le savais, comprendraient mes choix artistiques, mes desiderata, mes envies et mes chansons. C’est le cas de Medhi Zannad qui avait déjà fait quelques voix pour Tahiti 80 et, en plus, joue beaucoup mieux du clavier que moi. Pour la batterie, j’ai choisi Laurent Blot, guitariste du groupe Le SuperHomard, qui est aussi batteur. J’aime son approche simple et efficace et il a très bien interprété ce que j’avais en tête. J’ai géré le reste des instruments mais il y a aussi Stéphane Laporte (Domotic, Egyptology) qui a mixé les cinq titres.
Pourquoi cette face B identique mais en version lo-fi pour la version vinyle ?
C’est un contrepoint à la face A pour avoir une écoute plus spontanée, moins produite. J’avais bien pensé sortir un premier EP maintenant puis un autre plus tard et les réunir pour en faire un album mais j’ai finalement opté pour ce choix arbitraire d’une face B avec les titres enregistrés sur un magnétophone quatre pistes à cassette. J’aime surprendre et ce genre d’option s’y prête bien.
Cette face B du vinyle est donc à l’image de la pochette du EP, quelque peu bricolée ?
En effet, je souhaitais quelque chose d’artisanal avec des découpages, des collages, des incrustations, du dessin, etc. C’est de l’anti-IA – intelligence artificielle – même si je n’ai rien contre ça.
Quelle sera la version scénique pour ce live au 106 ?
Je vais jouer seul avec une guitare acoustique. Ce sera très simple, très sobre, sans artifice pour la première partie de The Magnetic Fields. Il y aura plus tard, pour d’autres dates, une version live à quatre avec les musiciens du EP et un batteur en plus, notamment pour la Release Party du Supersonique à Paris le 19 décembre. Et comme un Tahiti 80 peut en cacher un autre, Rapha, le batteur de Tahiti 80, jouera avec Kid Francescoli dans la grande salle du 106.
Pour finir, pouvez-vous nous parler du prochain album de Tahiti 80 ?
Il est enregistré et nous sommes en plein mixage. C’est d’ailleurs également Stéphane Laporte qui s’en charge. Les gars ont écouté son travail sur Soda Coda et ont validé sa touche. Je me doutais que ça collerait aussi pour Tahiti 80. Et la sortie de l’album est prévue pour mars 2024.
Infos pratiques
- Vendredi 10 novembre à 20 heures au 106 à Rouen
- En première partie de The Magnetic Fields
- Tarifs : de 23 à 6 €. Pour les étudiants : carte Culture.
- Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
- Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce