Plusieurs thématiques seront abordées pendant le Forum Entreprendre dans la culture, organisé mardi 20 février au Pavillon des transitions à Rouen par Normandie Livre & Lecture. Parmi elles, il y a l’intelligence artificielle, un sujet qui inquiète et anime de nombreux débats. Luc Brou, coordinateur d’Oblique/s, la plateforme arts et cultures numériques en Normandie et directeur du festival ]Interstices[ à Caen, se veut rassurant. Entretien.
On parle beaucoup d’intelligence artificielle. Mais la relation entre les arts et les technologies n’est pas nouvelle ?
Cette relation est naturelle. Il y a une exploitation systématique des nouveaux outils par les artistes. C’est un fait permanent qui s’est développé à partir des années 1950-1960. Cela a pris de l’ampleur ces derniers temps. Les technologies étaient présentes à travers la fiction. Il y a un lien fort entre la science-fiction et l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, il y a un effet accélérateur mais cela ne nous surprend pas. Cela soulève en effet beaucoup de questions. D’où cette effervescence.
Est-ce que les questions soulevées proviennent d’une inquiétude ?
Ce qui est difficile de faire, c’est le tri entre ce qui relève du fantasme, de l’angoisse et de la réalité. Même si celle-ci est impressionnante. Il faut une approche raisonnée. Néanmoins, le problème est complexe et personne ne peut comprendre et saisir toutes les implications de l’intelligence artificielle, y compris les plus grands scientifiques. Il y a des incertitudes à certains endroits. L’IA touche un domaine vaste et pose des questions existentielles. C’est un miroir étendu de la société dans laquelle nous voulons vivre ou pas.
Il y a eu une grève des scénaristes américains pendant plusieurs semaines. Qu’est-ce que cela révèle ?
Les questions juridiques doivent être réglées. Se posent le droit à l’image, l’inaliénabilité de nos droits. En Europe, nous ne pouvons pas vendre nos images et nos voix à vie. On dit : les États-Unis innovent, la Chine copie et l’Europe régule. Ce n’est pas si faux que cela. Il y a en effet des inquiétudes du côté du cinéma, de la littérature… Cela concerne des métiers techniques, des tâches qui sont reproductibles mais pas un travail créatif. L’IA assemble, couple, calcule des données. Elle fait un travail de moyenne donc elle ne produit rien de riche. Elle n’aurait jamais pu écrire Anatomie d’une chute (le film de Justine Triet sortir en 2023, ndlr) parce que là, nous sommes dans le domaine de l’originalité. Cela questionne aussi le positionnement du spectateur.
Quelles sont les opportunités de l’intelligence artificielle ?
Tout dépend de l’endroit où on se situe. L’IA permet un gain de temps. Elle peut être une aide à l’écriture, à la réflexion. Mais, en aucun cas, elle peut faire le travail à votre place. Si elle produit un texte, il faut lire le résultat attentivement. L’IA peut être aussi un support artistique pour produire de l’image. Il y a une approche « instagramable ». On a vu des liens entre la danse et des robots. Elle peut aider à la composition de musique. C’est un outil de savoir et il faut apprendre à s’en servir. Aujourd’hui, nous sommes dans une frénésie et il n’est pas évident d‘avoir du recul. Cependant, l’IA ouvre des perspectives, pose des questions d’ordre politique. Si on regarde du côté de la désinformation, c’est effrayant. Du côté de la création, il y a un danger lié à des emplois menacés. Nous ne devons pas avoir une approche catastrophiste. Nous sommes loin d’un scénario de science-fiction.
Infos pratiques
- Mardi 20 février à partir de 9h30 au Pavillon des Transitions à Rouen
- Entrée gratuite
- Inscription en ligne
- Aller au forum en transport en commun avec le réseau Astuce