Il n’y aura plus d’école de théâtre professionnalisante en Normandie. La Cité Théâtre à Caen est contrainte de la fermer. La Région Normandie a en effet annoncé la fin de son accompagnement. Les acteurs et actrice du monde culturel se mobilisent.
La liste ne cesse de s’allonger. Les directrices, directeurs et responsables de programmation des structures culturelles, les comédiennes et comédiens, les metteuses et metteurs en scène de la Normandie sont de plus en plus nombreux à apporter leur soutien à La Cité Théâtre, surtout à son école. Des réactions qui touchent tout particulièrement son directeur, Olivier Lopez. « C’est une reconnaissance du travail accompli depuis plusieurs années ».
La raison de cette mobilisation : il n’y aura pas de nouvelle promotion à la rentrée prochaine. La centaine de candidatures arrivées resteront sans réponse. La Région a décidé de ne pas renouveler son marché public sur la formation professionnalisante en théâtre. Jusqu’alors, celui-ci était attribué à La Cité Théâtre qui portait le seul dispositif des comédiens-stagiaires sur le territoire normand depuis 2001.
Depuis cette annonce, Olivier Lopez est stupéfait. « On ne s’attendait pas à ce que cette décision ne soit pas discutée avec le secteur. Quelque chose m’échappe. Je n’ai pas bien saisi le sens de cette décision. J’ai cependant un espoir de comprendre le raisonnement qui a prévalu à cela. D’autant que ce dispositif concerne la jeunesse et l’avenir », s’interroge l’auteur et metteur en scène. La formation de la Cité Théâtre accompagne douze jeunes, âgés entre 18 et 25 ans, pendant deux ans et demi sur le chemin de la professionnalisation. Et ce, grâce aux enseignements dispensés, aussi incontestés, et aux liens tissés avec les compagnies et les salles normandes. « Depuis plus de vingt ans, nous avons répondu aux besoins du secteur. Nous nous sommes adaptés. Nous avons conçu un outil souple qui soit en relation direct avec les employeurs », rappelle Olivier Lopez. S’il fallait retenir un seul nom d’un ancien comédien-stagiaire, ce serait bien évidemment Thomas Jolly, fondateur de La Piccola Familia, comédien et metteur en scène talentueux qui orchestre en ce moment les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques à Paris.
« Ce n’est pas un public cible »
Pour justifier la décision de la fermeture de l’école, Patrick Gomont, vice-président de la Normandie, en charge du Patrimoine et de la Culture, rappelle que « la Région n’a pas de compétence en matière d’enseignement artistique » et qu’elle « s’engage sur des formations d’une durée de douze mois maximum. Là, nous sommes sur une formation de trente mois ». De plus, « elle ne s’adresse pas à un public à la recherche d’un emploi depuis plus de neuf mois. Ce n’est pas un public cible. D’autant que comédien n’est pas un métier en tension ».
Des explications que ne peut entendre Olivier Lopez. « La région peut décider d’une dérogation. C’est légal et possible. Par ailleurs, qu’est-ce qui définit un chômeur ? Un chômeur est un demandeur d’emploi. L’ensemble des bénéficiaires de la formation à La Cité Théâtre sont des demandeurs d’emploi. La plupart sont des primo-demandeurs. S’ils choisissent ce parcours, c’est justement parce qu’ils ne parviennent pas accéder à ce métier ».
Autre argument de la part du vice-président de la Région : « la formation entre dans le cadre d’un marché qui est reconductible ou non. Nous avons prévenu la Cité Théâtre du non-renouvellement. Nous avons alerté à plusieurs reprises mais cela n’a pas été pris au sérieux. Nous voyons que rien n’a été fait en amont pour anticiper cette situation ». Réponse d’Olivier Lopez : « pour être au courant, il faut informer, signifier. Or nous n’avons jamais reçu une information nous mettant en garde. La seule parvenue : une nécessité à obtenir la certification Qualiopi que nous avons obtenue. Elle était un préalable à la poursuite de la formation ».
Un secteur désorganisé
Enfin, il reste la question financière. Le coût de la formation à la Cité Théâtre atteint sur trois ans et pour douze élèves les 370 000 € sur une enveloppe totale allouée à la formation professionnelle de plus de 200 millions chaque année. Patrick Gomont avance d’autres chiffres. « Il faut comparer le coût d’un comédien stagiaire, environ 20 000 €, et celui d’un élève au conservatoire qui est de 6 000 € ». Pour Olivier Olivier Lopez, « il faut comparer ce qui est comparable. Nous sommes là sur la formation professionnelle et non de l’enseignement artistique. Il y a une grande différence ».
Quelles conséquences ? Pour se former, les jeunes normands devront partir de leur région. Les autres ne porteront plus une attention particulière à la Normandie. « La filière et son écosystème vont être complètement désorganisés ». L’arrêt d’un tel dispositif entraine en effet des difficultés de recrutement pour les compagnies. Olivier Lopez regarde plus loin : « d’où va provenir la création de demain ? »
Des rendez-vous avec les services de la formation professionnelle et de la culture à la Région Normandie sont pris à partir du mardi 4 juin. La suite est vivement attendue.