Une exploration musicale du courage et de la révolte

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 Dans le cadre des Journées du Matrimoine, le centre André-Malraux à Rouen accueille ce jeudi 19 septembre un concert unique intitulé Résistantes. Présenté par Les Lunaisiens, sous la direction d’Arnaud Marzorati, ce spectacle met à l’honneur les femmes qui se sont battues sous l’Occupation, offrant un regard inédit sur leur courage à travers des chansons issues du folklore de la résistance.

Les Lunaisiens, dirigé par Arnaud Marzorati, s’est fait une spécialité de l’exploration de la chanson française, notamment de ses origines jusqu’au XXe siècle. À travers des œuvres parfois méconnues ou oubliées, l’ensemble ravive un patrimoine vocal populaire qui reflète l’histoire et les épreuves traversées par les générations passées. L’originalité de la démarche réside dans une approche à la fois historique et littéraire, qui sort des formats traditionnels de concert pour offrir un véritable spectacle immersif. Accompagné d’Anthony Millet à l’accordéon, Arnaud Marzorati explore ici un répertoire de chansons de femmes résistantes.

Déborah Livet, docteure en histoire de la musique, apporte à ce projet une dimension intellectuelle et historique. Spécialiste du répertoire musical de la première moitié du XXe siècle, elle termine actuellement la révision des Mémoires à deux voix d’Edmée et Paul Arma, un couple de résistants qui a recueilli et préservé un vaste répertoire de chants populaires de l’époque. Le Livre I (1904-1945) doit paraître dans quelques semaines aux éditions Delatour.

Un esprit de contestation


Déborah Livet souligne l’importance de ces chants dans la résistance culturelle et leur rôle dans la préservation de l’esprit de contestation, même dans les moments les plus sombres de l’histoire. « Folklore de la résistance est un tapuscrit unique en son genre, réunissant quelque 1 600 textes répartis sur 300 pages. Ce recueil témoigne de la créativité et de la résilience en période de guerre, à travers des chansons composées à la fois par des hommes et des femmes, dont un quart ont été écrites par ces dernières. Mélange de chants traditionnels, de comptines et de chansons issues du répertoire populaire ou de cabaret, il incarne une diversité de voix qui, à leur manière, ont résisté à l’occupant. »

« L’histoire de ce recueil est intimement liée à Paul Arma qui a lancé un appel à la radio pour recueillir des chansons issues de cette période troublée. En réponse à cet appel, des textes sont arrivés de toute la France. Composés par des anonymes, ils ont mis en musique et en mots leurs expériences de la guerre. Parmi ces contributions, on retrouve des témoignages poignants d’enfants et de femmes emprisonnées, exprimant leur quotidien difficile avec une dérision salvatrice. Loin de tout pathos, ces textes utilisent le ton moqueur comme forme de résistance, évoquant notamment les privations liées à la faim. »

Un devoir de mémoire à travers l’art

Dans le spectacle, Résistantes, on retrouve plusieurs fois les textes de deux femmes résistantes : Geneviève Bianquis, originaire de Rouen et professeure de lycée à Dijon, et Germaine Montreuil, une autrice et compositrice. Leurs chansons, tout comme celles des autres contributrices, forment une fresque sonore de la France sous l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale, témoignant de l’ingéniosité des résistantes pour lutter, avec leurs propres armes : les mots et la musique.  La chanson, média populaire par excellence, permettait de contourner la censure et de faire passer des messages de rébellion et d’espoir, sur des airs de Maréchal, nous voilà, Cadet Roussel ou bien encore Malbrouck s’en va-t’en guerre pour les plus célèbres.

Résistantes, en résonance avec les Journées du Matrimoine, est un véritable appel au devoir de mémoire. Avec ce concert commenté, Arnaud Marzorati et Déborah Livet offrent au public une porte d’entrée unique dans l’histoire, celle de femmes dont le courage et la détermination sont souvent restés dans l’ombre. À travers leurs voix, le public est invité à redécouvrir ces chants de lutte, à la fois poignants et émouvants, qui rappellent combien la résistance passe aussi par les arts et la culture.

Infos pratiques

  • Jeudi 19 septembre à 19h30 au centre André-Malraux à Rouen
  • Gratuit 
  • Réservation obligatoire au 02 35 08 88 99 ou sur rouen.fr/patrimoine2024