Femmes en danger

Nina (Ia Sukhitashvili) se prépare à pratiquer un avortement clandestin  / Photo : Pyramide Distribution

Dans April, Dea Kulumbegashvili nous invite à suivre le parcours d’une gynécologue d’un petit hôpital géorgien qui prend le risque de pratiquer des avortements clandestins.

Ce n’est pas un film facile que nous propose Dea Kulumbegashvili. Elle nous emmène dans son pays natal, la Georgie, pour suivre le parcours lugubre de Nina (Ia Sukhitashvili), gynécologue-obstétricienne dans un petit hôpital de campagne. Avec April, la réalisatrice signe une œuvre austère, sans concession pour le spectateur qui doit s’attendre à découvrir dans la douleur la difficile condition des femmes dans la société traditionnelle géorgienne : beaucoup d’entre elles ne savent ni lire ni écrire, se marient tôt, sont mères très jeunes, ont de nombreux d’enfants. Ce qui implique de n’avoir aucune vie sociale et encore moins professionnelle, et donc de rester dépendantes de leur mari.

Si la Nina d’April consacre sa vie à son travail de médecin, elle ose aussi pratiquer des avortements illégaux pour aider secrètement les femmes dans le besoin. Même si son collègue David (Kakha Kintsurashvili) n’a de cesse de lui rappeler qu’elle risque de tout perdre. Dea Kulumbegashvili filme les rencontres de Nina avec ces femmes lors de consultations, mais aussi lors d’accouchements éprouvants ou d’avortements délicats. Des moments souvent intimes filmés de façon distante, froide, comme pour rester neutre. Le spectateur assiste frontalement à une naissance qui tourne mal, passe de longues minutes à voir un ventre maltraité lors d’une interruption volontaire de grossesse. Le temps lui paraît bien long mais sûrement moins que la jeune femme allongée sur la table de la cuisine.  

Impressionnante, l’empathique Nina se montre cependant aussi insensible que pragmatique. Reste à admirer le courage de cette femme solitaire qui semble aimer tout le monde sans trouver le besoin d’être aimée.