Maëlle Dequiedt : « il y avait un grand mystère à appréhender ce Stabat Mater »

Photo : Jean-Louis Fernandez

Maëlle Dequiedt, à la mise en scène, et Simon-Pierre Bestion, aux arrangements et à la direction musicale, portent un regard contemporain, surtout sans provocation mais avec bienveillance, sur le Stabat Mater de Domenico Scarlatti, une œuvre rare. C’est une pièce à la dimension universelle, avec l’amour d’une mère pour son enfant et la douleur de le perdre, que les deux artistes défendent dans ce théâtre musical pour dix chanteurs et chanteuses instrumentistes et quatre comédiennes et comédiens. Les compagnies La Tempête et La Phenomena présentent le Stabat Mater de Scarlatti les 20 et 21 mars avec l’Opéra de Rouen Normandie et mardi 1er avril au Théâtre de Caen. Entretien avec Maëlle Dequiedt.

Pourquoi avez-vous choisi le Stabat Mater de Domenico Scarlatti ?

Je m’intéresse de manière générale aux Stabat Mater. Le plus connu est celui de Pergolèse. Ce spectacle est né de la rencontre avec Simon-Pierre Bestion qui a travaillé sur les Stabat Mater de Dvořák et de Scarlatti. C’est une œuvre sublime.

D’où vient cet intérêt pour les Stabat Mater ?

Je travaille sur les opéras. Avec le Stabat Mater, je peux aborder une œuvre sans histoire, sans personnage parce qu’elle est basée sur un poème. Celui-ci fait naître des images. C’était un pari à révéler pour moi. Ce fut d’ailleurs passionnant. Il y avait un grand mystère à appréhender ce Stabat Mater. Quelle forme peut-on lui donner à partir de ce poème et de ces images ? Il y a certes la figure d’une femme mais elle est transparente. Elle n’a pas la parole. Elle pleure. L’œuvre décrit ses larmes. Nous avons alors cherché ce que pense cette femme, ce qu’elle a à nous dire. Elle se tient debout, ce qu’indique le titre. C’est très beau cette position, cette forme de résistance et de courage.

Vous parlez d’images. Ont-elle été le point de départ de votre travail ?

Nous avons commencé à travailler en échangeant nos différentes inspirations. Nous avons aussi parlé de peinture, notamment celle de Jérôme Bosch avec Le Jardin des délices qui représente aussi l’enfer de manière vivante. C’est très noir et très beau. Nous avons pensé à des cinéastes contemporains, à des textes de Marguerite Duras. C’est tout un tas de références qui ont permis de construire des passerelles avec aujourd’hui et de sortir du cadre religieux. Dans ce Stabat Mater, il y a à peu près dix strophes. Nous avons suivi la structure de la musique pour créer des tableaux avec la volonté de mêler théâtre et musique.

Vous avez cherché la dimension universelle de cette pièce.

Nous avons questionné cette œuvre à partir de notre héritage, que l’on soit croyant ou pas. Nous nous sommes emparés de cette œuvre qui fait partie de notre héritage musical pour le questionner aujourd’hui. Cette musique possède des couleurs différentes. Elle peut être dansante et sensuelle. Elle a beaucoup de choses à nous dire. Nous sommes partis d’improvisation, d’une écriture collective pour trouver cette dimension universelle. Nous ne nous sommes pas arrêtés à une mère en deuil de son fils mort. La notion de sacré est importante. Nous nous sommes demandé qu’est-ce une musique sacrée, qu’est-ce qui nous relie, qu’est-ce le lien entre une mère et son enfant… Tout cela est contenu dans l’œuvre. C’est une part d’humanité que l’on montre. Les dix interprètes et les quatre comédiens montrent cela à travers leur corps et leur instrument. Dans notre création, nous assumons cette écriture fragmentée. Ce Stabat Mater est un voyage en différents tableaux.

Que représente cette grande bâche installée au sol ?

Il y a différentes bâches. Lors de notre recherche, nous nous sommes demandé qu’est-ce le sacré. Le Stabat Mater touche à des thèmes extrêmement grands. Comme la musique est puissante, nous avons abordé la pièce avec humilité et nous nous sommes inspirés de l’arte povera, d’éléments simples, comme l’eau et le feu. La bâche qui sculpte l’espace représente l’histoire qui avance. Elle est une page blanche où s’écrivent les tableaux. Nous en déplions comme nous tournons les pages d’un livre.

Infos pratiques

  • Jeudi 20 et vendredi 21 mars à 20 heures au Théâtre des Arts à Rouen. Tarifs : de 38 à 10 €. Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr
  • Mardi 1er avril à 20 heures au Théâtre de Caen. Tarifs : de 27 à 8 €. Réservation au 02 31 30 48 00 ou en ligne
  • Durée : 1h45