Dans les salles de cinéma mercredi 9 avril, Bergers, magnifique adaptation d’un roman de Mathyas Lefebure par la Québécoise Sophie Deraspe, nous fait découvrir le métier passion du pastoralisme, sa beauté et sa dureté.
Sophie Deraspe, considérée comme l’une des grandes figures du cinéma québécois, a choisi la France — et plus précisément la Provence et ses Alpes — pour tourner son nouveau film après Antigone choisi pour représenter le Canada dans la course à l’Oscar du Meilleur film étranger en 2019. Son Bergers, présenté aux Rencontres du Sud à Avignon, est l’adaptation du roman autobiographique du Québécois Mathyas Lefebure, D’où viens-tu berger ? paru aux éditions Actes Sud.
Nous découvrons Mathyas (Félix-Antoine Duval), alors que, sur un coup de tête, il a troqué sa vie de publicitaire à Montréal pour celle de berger en Provence. Dès lors, la caméra ne va plus le lâcher. Avec lui, le spectateur va découvrir un métier et son univers rude, à la fois sauvage et grandiose.
Une immersion
Et ça commence par sa rencontre avec les éleveurs du secteur, peu enclin à devoir former un petit nouveau. Le plus fauché d’entre eux acceptera de le loger et de le nourrir en échange des bras, de l’énergie d’un jeune homme dans la force de l’âge. Sophie Deraspe filme son premier contact avec les bêtes, ses hésitations, ses maladresses, son endurance, ses découragements… Le défi que Mathyas s’est lancé n’est pas loin de virer au cauchemar. Mais l’apprenti berger ne se décourage pas et s’accroche d’autant plus qu’il est rejoint par la douce Élise (Solène Rigot), jeune fonctionnaire qui, elle aussi, a plaqué l’administration pour la vie au grand air.
Après un apprentissage pénible et douloureux, le dépassement de soi de Mathyas et Élise sera récompensé puisque Cécile (Guilaine Londez), propriétaire d’un cheptel, choisit le couple pour lui confier un troupeau de huit cents moutons. L’aventure de l’estive peut commencer.
On ne peut que vous recommander cette expérience immersive qui se joue dans un paysage montagnard époustouflant. En suivant le mouvement du troupeau traversant des villages, empruntant des routes, côtoyant ou ralentissant des véhicules rapides, Sophie Deraspe filme méthodiquement la tradition millénaire de la transhumance qui cohabite avec la vie moderne, jusqu’à, par moment, lui imposer son rythme. Une expérience sensorielle également car si les yeux sont éblouis par les images, les oreilles ne sont pas en reste entre le son des cloches qui tintinnabulent au cou des moutons, les aboiements des chiens qui encadrent les bêtes et le cri des bergers qui dirigent le tout. Un moment éprouvant et fascinant à la fois.
La fin du voyage n’implique pas la fin des épreuves. Et si l’on aime voir Mathyas et Élise s’installer dans leur nouvelle vie, on comprend vite que leurs journées seront bien remplies. Ce beau Bergers est une véritable ode au dépassement de soi.
- Bergers de Sophie Deraspe (Canada, 1h53) avec Félix-Antoine Duval, Solène Rigot, Guilaine Londez…