Johann Dionnet emmène une petite troupe à Avignon et nous fait vivre le festival in et off. Cette comédie, fraîche et sensible, dans les salles de cinéma mercredi 18 juin, a remporté le Grand prix du festival du Film de comédie de l’Alpe d’Huez.
En 2019, Johann Dionnet signe un court-métrage, Je joue Rodrigue, qui, grâce à son succès, devient un long-métrage sur les écrans aujourd’hui. Pour mieux s’impliquer dans la réalisation, il se donne un petit rôle et cède celui du jeune premier au Normand Baptiste Lecaplain. L’humoriste devient Stéphane, comédien en perte de vitesse, qui suit bon gré mal gré, une petite troupe au Festival d’Avignon pour présenter une pièce de boulevard. Sur place, entre répétitions et distributions de flyers, il rencontre Fanny (Eliza Erka), actrice montante qui joue dans un classique de Victor Hugo. Stéphane craque pour la belle et, sur un malentendu, la laisse croire qu’il est là pour incarner Rodrigue, le rôle principal du prestigieux Cid de Corneille. Leurs pièces étant données aux mêmes horaires, le quiproquo a une petite chance de tenir jusqu’à la fin du festival. Sauf que Stéphane est meilleur acteur que menteur.
Il y a du vécu dans cet Avignon, et pour cause, le comédien Johann Dionnet a fréquenté le festival aussi bien côté in que côté off. La troupe qu’il choisit de mettre en scène ici est fauchée, ses comédiens partent ensemble dans un van brinquebalant, s’installent dans un petit hôtel discret, fabriquent leurs tracts et vont chercher le client… « Mine de rien, que ce soit d’un côté ou de l’autre, nous restons des comédiens qui faisons Avignon et nous sommes logés à la même enseigne », constate Baptiste Lecaplain, invité à présenter le film aux Rencontres du cinéma de Gérardmer. Et d’emblée, on aime cette bande de copains prêts à tous pour faire connaître leur travail. On envie leur complicité, on comprend aussi la tension qui peut naître par peur de l’échec. Et puis on aime Coralie (Alison Wheeler) la meilleure amie de Stéphane. L’occasion de fou-rires ne manque pas.
Une concurrence
Même si, dans la Cité des papes, l’ambiance est festive, le réalisateur parvient à nous faire ressentir ce léger snobisme de certains envers le théâtre de boulevard. Au-delà de la comédie romantique, Avignon rend évidente la concurrence entre théâtre privé et théâtre subventionné « et ça va même au-delà, insiste Baptiste Lecaplain, je pense aussi au cinéma. Je viens de faire un film avec Christian Clavier (Jamais sans mon psy d’Arnaud Lemort, ndlr) et tous les ans, aux César, on se demande si la comédie populaire est assez considérée. Ce dédain, certains humoristes ont pu l’éprouver en débarquant sur un plateau de cinéma. En fait, je pense qu’il s’agit plus de défiance que de dédain. »
On rit beaucoup avec tous ces acteurs passionnés et on peut s’étonner de ne pas avoir encore vu de film sur ce festival qui amène beaucoup de monde l’été à Avignon : « Je pense que ça n’a pas été beaucoup fait parce que c’est très compliqué de tourner pendant le festival, commente Baptiste Lecaplain. Et puis, s’il y a beaucoup de monde sur place, ça reste un sujet très boutique, très en rapport avec le métier, de quoi faire peur à pas mal de producteurs. »
Nous, on vous recommande ce détour par Avignon, hommage au spectacle vivant parfois mis à mal par les restrictions budgétaires.
- Avignon de Johann Dionnet (France) avec Baptiste Lecaplain, Alison Wheeler, Lyes Salem, Elisa Erka, Johann Dionnet…