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Chloé à Rush : « J’invite les femmes à explorer les sonorités électroniques »


Le nom de Rush est toujours associé à celui d’un ou une artiste. Pour son festival, le 106 à Rouen fait appel à un musicien ou une musicienne pour construire la programmation. Chaque édition a ainsi sa couleur singulière. En 2019, c’est Chloé qui a été choisie. Figure de la scène techno française, la compositrice jouera son nouvel album, Endless Revisions, proposera un dj set et dialoguera avec Vassilena Serafimova. A l’affiche de Rush 2019 qui se tient du 24 au 26 mai à la presqu’île Rollet : Mr Oizo, Otzeki, Die Wilde Jagd, Apparat Live, MNNQNS, Théo Muller, Kompromat, Delgrés… Entretien avec Chloé.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la proposition du 106 ?

C’est une proposition difficile à refuser. Le 106 est une salle de concert que je connais. Elle est ouverte musicalement et va chercher dans tous les styles, dans tous les sons. Par ailleurs, je n’ai jamais vu ailleurs une telle approche d’un festival. Demander à un artiste de participer à la programmation, c’est le mettre à l’honneur. C’est donc plus qu’une invitation qu’une offre. Avec l’équipe du 106, nous avons fait la programmation ensemble. Tout s’est construit de manière collective.

Quelle ligne vous étiez-vous fixée pour la programmation ?

J’ai souhaité intégrer mes envies. Je suis très ouverte musicalement. Je ne suis pas seulement une spécialiste de la musique électronique. Je m’intéresse à d’autres types de musiques. Je me suis fait plaisir en proposant des artistes venant de la scène electro mais pas que. Il y a aussi des groupes plus rock, plus pop qui peuvent ne pas être loin de la sphère électronique. On va tous se retrouver dans des interstices. C’est ce qui va être très intéressant. Par exemple, Nova Materia est un groupe qui mélange l’énergie punk et les sonorités électroniques. On a la même sensation avec Zombie Zombie avec un côté un peu plus mécanique. Lydia Lunch est une artiste qui m’a beaucoup influencée. Je suis allée aussi vers la scène underground pour présenter des personnes qui me touchent.

Comment le lieu a influencé aussi vos choix ?

Je connaissais Le 106 mais seulement de nuit. En revanche, j’ai découvert la presqu’île. Je suis allée la visiter et j’ai été touchée par le lieu. À ce moment-là, nous n’avions pas encore discuté de la programmation. Arrivée dans cet espace, j’en ai compris le sens. Je me trouvais en face des docks. Il y avait quelque d’impressionnant et d’assez fantastique. Je voyais un endroit un peu abandonné mais très fort avec les bateaux, la verdure… On ressent très bien que cette île est chargée d’histoire.

Vous avez sorti une version live de Endless Revisions. C’est une prolongation du travail en studio ?

C’est une occasion de revisiter tous les titres qui sont complètement différents de la première version. En studio, vous voulez toujours avoir quelque chose de propre. Là, les morceaux sont plus habités, plus gras, plus directs. De plus, j’ai invité d’autres artistes. J’ai ainsi emmené mes morceaux dans d’autres sphères.

Que représente le live pour vous ?

Chaque live est un moment particulier. Tout dépend toujours de la salle, de l’énergie. Tout se transforme au contact du public. L’album est sorti il y a un an et demi. Aujourd’hui, le live a beaucoup évolué. Je maîtrise mieux les morceaux. Je grandis et je mûris avec eux. C’est très intéressant parce qu’il y a un côté instinctif.

Vos albums sont aussi contrastés que le nom de votre label. Est-ce une volonté ou un hasard ?

Dans les albums, il y a des morceaux plus lents à écouter chez soi tranquillement et d’autres plus forts pour danser. C’est à l’image du label, Lumière noire. Ce sont des challenges pour moi. Je peux trouver une cohérence dans tout cela. Un disque, c’est comme une histoire avec une introduction, un milieu et une fin. C’est la même chose pour le live. Il faut juste trouver comment raconter cette histoire. 

Comment commence cette histoire ?

Il n’y a pas de règle. Elle vient le plus souvent d’un synthétiseur. Je travaille et retravaille les sonorités. Je les importe. Je les mélange. Elles se transforment. J’accumule des pistes. Dans cette recherche, il y a pas mal d’accidents qu’il faut aussi savoir provoquer. Il y a toujours un moment où quelque chose d’intéressant arrive. Ce sont des hasards heureux.

Sont-ce ces moments sont excitants ou effrayants ?

Les deux. Quand on cherche, on peut mettre beaucoup de temps à trouver une idée. Quand elle surgit, on la perçoit mais on ne sait pas vraiment dans quelle direction elle va nous emmener. Il ne faut pas hésiter à la suivre. Jusqu’au moment il est nécessaire de s’arrêter pour prendre du recul. C’est une démarche assez compliquée.

Quel regard portez-vous sur la scène électronique aujourd’hui ?

Je la trouve intéressante. Il se passe beaucoup de choses, non seulement à Paris mais aussi dans toute la France. De nombreux collectifs se mettent en place. Il y a beaucoup de talents, des mouvements divers et variés. Et cela me fascine.

Quelle place ont les femmes sur la scène électronique ?

Il y a de plus en plus de femmes sur la scène électronique mais le mouvement est encore trop lent. Pour la programmation de Rush, j’ai pensé à des femmes. C’est naturel pour moi. Il faut donner envie de faire des disques. J’invite les femmes à explorer les sonorités électroniques. 

Infos pratiques

  • Rush, du 24 au 26 mai à la presqu’île Rollet à Rouen.
  • Tarifs : de 10 à 4 €, une journée, de 24 à 10 € les trois jours, gratuit pour les moins de 13 ans.
  • Réservation sur http://rush.le106.com