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« Illumination(s) » d’Ahmed Madani : un théâtre sans langue de bois au CDN

photo François-Louis Athena
photo François-Louis Athena

C’est l’histoire d’une bande de garçons. Tous sont issus d’une famille immigrée et ont grandi dans la cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. Ahmed Madani est allé à leur rencontre dans cet endroit où sa famille, venue d’Algérie, s’est installée en 1959. Il a écouté leur parcours, recueilli leurs sentiments, leurs colères, leurs espoirs pour écrire Illumination(s), première création de la trilogie Face à leur destin. Cette pièce, jouée jeudi 16 et vendredi 17 avril au CDN de Haute-Normandie, est un récit-choral qu’Ahmed Madani a confié à neuf d’entre eux. Ensemble, ils racontent l’histoire d’un jeune homme en prise avec les visions mêlant le passé et le présent. Illumination(s) traverse ainsi trois générations.

 

Est-ce que ces rencontres vous ont permis de vous replonger dans votre jeunesse ?

Oui, j’ai pensé à ma jeunesse après avoir eu l’idée de la trilogie. C’était un moment où j’ai eu besoin de m’interroger sur le sens de mon travail. La compagnie tournait beaucoup. C’était très bien pour nous. Il me manquait néanmoins quelque chose. Je me demandais ce que j’avais encore à dire sur l’état de la société française, ce que je pouvais raconter de manière directe et frontale. Je suis alors revenu sur mon parcours familial. Mais comment lier ce sujet au monde d’aujourd’hui ? Mon envie a été de le lier par la présence d’une jeunesse qui vit dans les quartiers populaires. C’est aussi une part de mon existence personnelle.

 

Comment avez-vous réussi à convaincre ces jeunes de parler ?

En fait, une histoire provoque une autre histoire. Je vous raconte et vous me racontez. J’ai vraiment parlé de moi. C’est ce qui a fait le lien. Ils ont ensuite parlé facilement. Nous avons évoqué le quotidien, nos vies personnelles. Ce sont des histoires de l’intime. Nous avons aussi abordé ce sujet profond qui est la fraternité. Tout ce que nous partageons avec l’autre, tout ce que nous avons en commun. C’est en effet la fraternité parce que la liberté est de plus en plus limitée. Quant à l’égalité, nous en sommes tous revenus. Il nous reste la fraternité. C’est une valeur qui nous appartient.

 

Est-ce que ces jeunes hommes se sont en même temps découverts ?

Oui, ils se sont découverts parce qu’ils ont montré l’intérieur d’eux-mêmes. Il n’y avait pas de langue de bois.

 

 

Est-ce que des liens forts se sont noués entre eux ?

Oui parce que tout était partagé. Cela a créé des liens. Tous ces jeunes forment une troupe, un groupe qui porte une parole qui peut les dépasser. Cela a bien évidemment nourri le processus de création, donné une véritable force, une singularité au projet. J’ai puisé dans l’énergie de cette jeunesse. C’est une pièce avec des jeunes experts de leur jeunesse qui la font résonner avec la jeunesse de leur père. Ils sont issus de parents qui ont fait le voyage. Il y a le grand-père, combattant, le fils, travailleur immigré, et le petit-fils, le jeune garçon d’une vingtaine d’années plein d’inquiétude. Illumination(s) est en fait un spectacle entre la grande et la petite histoire.

 

Ont-ils parlé de leurs rêves ?

Ils en ont parlé mais de manière indirecte. Ils les ont davantage suggérés. Le rêve, c’est la note d’espoir. Le spectacle se termine sur cette envolée d’espoir, ce souffle de vie. Illumination(s) est une œuvre de poésie, de joie qui nous amène au dépassement de nous-mêmes. Il y a aussi de la souffrance. Mais, dans la souffrance, il y a de la beauté.

 

  • Jeudi 16 et vendredi 17 avril à 20 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. Tarifs : 14 €, 9 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-hautenormandie.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du vendredi 17 avril.