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« Une langue très physique »

Benjamin lazar - copieC’est un des premiers spectacles de Benjamin Lazar. Acteur au jeu délicat et précis, metteur en scène subtil, il réalise un travail pointu sur la déclamation et la gestuelle baroques. Benjamin Lazar crée pour sa compagnie, Le Théâtre de l’Incrédule, et collabore avec plusieurs formations dont le Poème harmonique. Impossible d’oublier Le Bourgeois gentilhomme ou Cadmus et Hermione. Pour le festival de musique ancienne qui commence ce mercredi 20 août à Martin-Eglise, il reprend avec La Rêveuse L’Autre Monde, ou les estats et empires de la lune de Savinien Cyrano de Bergerac, créé dix ans plus tôt pour le même événement.

 

 

 

Le spectacle a été créé il y a dix ans. Comment l’avez-vous fait évoluer ?

Les quatre premières années, on l’a peu joué en fait. En 2008, nous avons donné des représentations à l’Athénée à Paris. Le spectacle a été ensuite beaucoup repris. Lorsque l’on passe du temps avec un texte, on le comprend de mieux en mieux. Je dois le lire souvent pour le maintenir en mémoire. A chaque fois, je découvre dans l’écriture le rythme. Les images se précisent. Tout comme le jeu de scène. C’est aussi un texte qui sollicite beaucoup le corps. Cyrano a une langue très physique. C’est un texte très dense qui gagne à être entendu. Quand on le dit, les images qui se déploient deviennent plus accessibles.

 

Lorsque vous avez lu ce texte pour la première fois, qu’avez-vous ressenti ?

J’ai été frappé par la grande inventivité de Cyrano. Même si Edmond Rostand a lu Cyrano, connaît ses œuvres, il n’a pu rendre compte de toute son inventivité, sa philosophie, sa folie véritable d’écrivain. Cyrano est un auteur tellement original, un des esprits les plus libres du XVIIe siècle. Il faut passer du temps avec ces œuvres qui vous paraissent intéressantes et mystérieuses et qui ne se comprennent pas à la première lecture.

 

Où se situe le mystère ?

Il est étonnant de voir comment un homme de cette époque a pu imaginer des choses qui nous paraissent réalisables aujourd’hui. Comme voyager dans les airs, avoir un œil qui voit dans la nuit… C’est étonnant de dialoguer avec une personne qui est né il y a 400 ans. Politiquement, il est aussi très fort. Cyrano condamne ceux qui empêchent de penser librement. Il écrit qu’il est difficile de trouver dans le monde un pays où l’on a l’imagination libre. Il fait même des allusions très claires à l’amour entre hommes. C’est très osé pour l’époque. Après ce l’on a entendu sur le mariage pour tous, le texte de Cyrano est d’une grande modernité.

 

L’humain est au cœur de son œuvre.

Oui, il parle de la condition humaine, de l’homme face au mystère de son existence. Cyrano n’est pas passif par rapport au mystère de l’existence. Il est d’ailleurs toujours dans une quête de compréhension. D’ailleurs, il refuse la notion de miracle. Toute chose s’explique de manière scientifique.

 

Il y avait donc beaucoup de raisons pour que ce texte reste caché.

L’œuvre n’a jamais été publiée du vivant de Cyrano. Elle circulait sous le manteau. Cyrano l’a écrite à l’âge de 30 ans et il est mort à 36 ans dans des circonstances mystérieuses. Il avait une réputation de libre penseur, de libre penseur et avait reçu des menaces de mort. L’Autre Monde est paru deux ans après sa mort, en 1657, dans une version transformée. A la fin du XIXe siècle, on a en effet retrouvé à Paris le manuscrit original.

 

Avec ce spectacle, vous poursuivez votre travail sur la langue de cette époque.

C’est en effet un travail sur la déclamation et la gestuelle entamé depuis longtemps. Mon objectif est de faire entendre la langue dans son jus, de tisser des liens forts entre la musicalité de la langue et la musique.

 

Vous avez opté pour mise en scène épurée. Pourquoi ?

Sur scène, il y a seulement quelques accessoires et des bougies afin de créer le mystère. Tout est dans la langue et dans la musique. Ce sont les éléments nécessaires et suffisants pour que l’imagination du spectateur parte.

 

  • Mercredi 20 août à 20 heures à la salle des fêtes à Martin-Eglise. Tarifs : 16 €, 9 €, gratuit pour les moins de 18 ans. Réservation sur www.academie-bach.fr
  • Mercredi 20 août au Presbytère à Arques-la-Bataille : conférence de Benjamin Lazar, Savinien Cyrano de Bergerac, l’autre face du Grand Siècle, à 14 heures et rencontre avec Benjamin Lazar, Florence Bolton et Benjamin Perrot à 21h45.