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Sébastien Innocenti : « Il faut se battre tout le temps avec un bandonéon »

Sébastien Innocenti est un des plus grands bandonéonistes. Il y a chez lui de l’élégance et de la fougue. Depuis des années, il s’attache à faire connaître la richesse autant de son instrument que de son répertoire. Notamment le tango qu’il joue avec une incroyable intensité. Sébastien Innocenti qui a fondé le Quinteto Respiro ouvre le festival Pom’ Pom’ Pom’ Pooom vendredi 11 septembre à la salle des fêtes à Saint-Martin-de-Boscherville. Il revisitera avec Émilie Aridon-Kociolek, piano, et Hélios Azoulay, clarinette, les tangos de Carlos Gardel et d’Astor Piazzolla. Entretien avec le musicien.

Est-ce la musique qui vous a amené au bandonéon ou l’inverse ?

C’est la musique qui m’a amené au bandonéon. Je l’ai même découvert assez tard. J’avais 17 ans. Je viens d’une formation classique. J’ai appris l’accordéon au conservatoire de Paris. Quand on joue de l’accordéon, on connaît le bandonéon. Un jour, j’ai eu l’occasion de l’essayer et je me suis aperçu que c’était complètement différent. Le bandonéon n’est pas du tout le même instrument que l’accordéon. Il a donc fallu tout réapprendre et je l’ai fait en autodidacte.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cet instrument ?

C’est la mélancolie, le son très particulier. Il y a aussi un côté charnel. Quelque chose d’intime se construit avec le corps parce qu’il nous échappe tout le temps. Il faut se battre tout le temps avec un bandonéon. On le tient sur les genoux. Commence un jeu avec le corps et les jambes.

Est-ce un instrument qui a beaucoup de secrets ?

Oui, beaucoup et c’est ce qui est passionnant dans l’apprentissage de l’instrument. Il y a sans cesse des choses à apprendre, à fouiller.

Le bandonéon vous a conduit logiquement au tango.

Les possibilités sont réduites pour jouer le tango à l’accordéon. Je l’ai fait. Le tango a été écrit pour le bandonéon. Quand on le pratique, les perspectives s’ouvrent et il y a tout un monde qui s’offre à nous. Au bandonéon, la musique est sans cesse en train de se réécrire, de se réinventer. C’est très intéressant parce qu’elle se prête à cela. Elle est issue d’une histoire finalement récente. On date son origine au milieu du XIXe siècle et on en trouve en Afrique, en Pologne, en Italie, au Pérou… Tout cela s’est mélangé en même temps que l’histoire de l’Argentine. Les migrations des peuples ont fait naître une musique. 

Pourquoi le tango vous fait vibrer ?

Dans le tango, il y a de la nostalgie tout le temps. Il y a aussi de la force parce qu’elle est balayée par toutes ces cultures. Par ailleurs, le tango est lié au corps, à la danse qui se pratique dans les bals. Cette musique vient d’une classe sociale pauvre. Elle est née dans les ports, dans les quartiers ouvriers, dans les bas-fonds, dans les bordels. Elle s’est ensuite étendue aux beaux quartiers avant de s’expatrier à Paris, la deuxième capitale mondiale du tango. À Buenos Aires, il y a eu beaucoup d’orchestres de tango. la particularité : chaque compositeur avait son orchestre et sa manière d’interpréter la musique. Il a existé une large palette de formations avec des styles et des sons différents. Les musiciens étaient des stars et leur but était de faire danser

Savez-vous danser un tango ?

Non, je ne sais pas. Je n’ai jamais pris le temps de suivre des cours. C’est une danse complexe. J’espère pouvoir le faire un jour.

Le tango est aussi sorti des salles de bal.

Oui, surtout avec Astor Piazzolla qui a emmené le tango dans les salles de concerts. On peut aussi seulement écouter du tango. Mais c’est un tango plus complexe au niveau de l’écriture.

Avec le bandonéon, vous avez également mené des projets divers dans le théâtre et la danse.

Il m’a permis de faire des projets complètement différents. L’instrument a, dans la tête des gens, une image de carte postale parce qu’il est plein de surprises. Il va très bien avec la musique baroque.

Qu’avez-vous prévu pour le concert du 11 septembre ?

Nous allons prendre des risques, aller à la découverte d’un univers puisqu’il n’y a pas de partitions écrites pour ce trio piano-bandonéon-clarinette. Il va falloir trouver des arrangements pour ces vieux tangos et aussi la musique composée dans les camps de concentration.

Infos pratiques

  • Vendredi 11 septembre à 20 heures à la salle des fêtes à Saint-Martin-de-Boscherville.
  • Tarif : 15 €. 
  • Réservation au 06 23 82 82 89 ou sur www.comitedesfetessmb.com

Pom’ Pom’ Pom’ Poooom

  • Samedi 12 septembre à 16 heures dans les jardins de l’abbaye Saint-Georges : La Vie qui tombe en rêve avec l’Ensemble de musique incidentale.
  • Samedi 12 septembre à 20 heures à la ferme des Templiers : Les Ombres parmi les roses avec Elie Khoury et Hélios Azoulay. 
  • Dimanche 13 septembre à 11 heures chez Sylvie et Nicolas : Comme Un Continent à découvert avec Pablo Schatzmann.
  • Dimanche 13 septembre à 16 heures au Poney Club du Genetey : Bouche bée d’aurore avec Daniel Seisoku Lifermann et l’Ensemble de musique incidentale.