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Une passion, jusqu’à la fureur, pour « Salammbô »

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Salammbô, le roman de Gustave Flaubert paru en novembre 1862, a influencé un grand nombre d’artistes. Peintres, sculpteurs, dessinateurs, photographes, réalisateurs, musiciens se sont emparés de ce récit extraordinaire pour créer des œuvres colorées. Toute cette richesse est réunie jusqu’au 19 septembre au musée des Beaux-Arts de Rouen dans une magnifique exposition, Salammbô, Fureur ! Passion ! Éléphants !

Le premier des sept volumes manuscrits de ‘Salammbô »

« M’offrirait-on cent mille francs, je te jure qu’il n’en paraîtra pas une. (…) Plutôt rengainer le manuscrit indéfiniment au fond de mon tiroir. (…) Ah ! Qu’on me le montre, le coco qui me fera le portrait d’Hannibal. Et le dessin d’un fauteuil carthaginois ! Il me rendra grand service. Ce n’était guère la peine d’employer tant d’art à laisser tout dans le vague, pour qu’un pignouf vienne démolir mon rêve par sa précision inepte ». Gustave Flaubert (1821-1880) a toujours refusé des illustrations de ses romans, notamment celles de Salammbô. Il l’a écrit en des termes cinglants à son ami Jules Duplan le 24 juin 1862. 

Après la disparition de l’écrivain rouennais, les artistes ont fait fi de ces propos. Ils se sont vite penchés sur Salammbô, cette grande fresque reprenant un épisode des guerres puniques, la révolte des Mercenaires au IIIe siècle avant JC dans la ville de Carthage. L’histoire se mêle à une passion amoureuse contrariée entre Mâtho, le courageux guerrier, chef des rebelles, et la belle Salammbô, prêtresse de Tanit, fille du maître de la ville. Il faut dire que Flaubert offre avec ce chef-d’œuvre une multitude de sujets aux créateurs tant il décrit avec une précision délicate un exotisme fascinant et sensuel, la complexité des êtres et leur cruauté.

Comme dans un livre

C’est toute cette pluralité et cette richesse des expressions artistiques qui constituent cette nouvelle exposition, Salammbô, Fureur ! Passion ! Éléphants !, présentée jusqu’au 19 septembre au musée des Beaux-Arts de Rouen dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Flaubert. On se promène, comme dans un livre ouvert, dans divers chapitres de Salammbô à travers des pièces, magnifiques, étonnantes, amusantes, voire cocasses, pour « aller le plus loin possible dans l’imaginaire », commente Sylvain Amic, directeur de la Réunion des musées métropolitains et commissaire général.

Georges-Antoine Rochegrosse, « Salammbô, 1886, musée départemental Anne-de-Beaujeu

Le parcours commence par de grandes toiles représentant les récits mythiques de batailles et les figures féminines, comme Didon, symboles du désespoir amoureux. Il se poursuit avec la présentation du premier des sept volumes manuscrits de Salammbô, puis des scènes du roman. Il y a les massacres et les supplices, surtout Salammbô, cette femme fatale qui danse avec le serpent. Dans les œuvres, « toutes les sensations sont exacerbées, que ce soit la cruauté, l’amour. Les artistes veulent rendre la magnificence de Flaubert. Il y a une surabondance d’effets et de décors avec des tapis, des mosaïques, des fleurs, des pierres précieuses… », décrit Sylvain Amic. Comme sur le Voile de tanit, récemment restauré.

De l’opéra à la bande dessinée

L’exposition Salammbô, Fureur ! Passion ! Éléphants ! fait une place à l’opéra, la seule adaptation qu’accepte Flaubert. Ernest Reyer compose la musique et Camille du Locle écrit le livret. La production lyrique est créée au théâtre de La Monnaie à Bruxelles, avant d’être repris à Paris, avec Rose Caron qui tient le rôle de Salammbô. Non loin du portrait de la chanteuse se trouvent des bijoux, des coiffes, des esquisses de costumes, une maquette de décor en papier découpé de l’acte 2 et la robe de la servante imaginée pour l’opéra de Fénelon en 1998. Les réalisateurs au cinéma ont repris l’histoire de Salammbô avec plus ou moins de réussite tant l’adaptation s’avère périlleuse. En 1924, Marodon va se lancer dans une aventure cinématographique ambitieuse de sept mois avec un budget de 10 millions de francs de l’époque et 10 000 figurants.

les planches de Philippe Druillet

Le jeune photographe André Gelpke va chercher au début des années 1970 sa Salammbô dans les Sex Théâtre à Hambourg où les corps érotisés s’adonnent à tous les plaisirs. De son côté, Philippe Druillet, fondateur de la revue Métal Hurlant, entame une adaptation en bande dessinée après un coup de foudre pour le roman de Flaubert. L’artiste casse les codes, explose les cases. Ses planches deviennent des tableaux, fourmillant de détails, où il transporte son personnage Lone Sloane sur la planète de Salammbô.

C’est toute la première partie de cette exposition avec l’imaginaire foisonnant des artistes. Le récit de Flaubert aura aussi une répercussion historique avec les campagnes de fouilles entreprises au fil des années. Un autre voyage se prépare avec les pièces découvertes à Carthage.

Infos pratiques

  • Jusqu’au 19 septembre, tous les jours, sauf le mardi et le 1er mai, de 10 heures à 18 heures, au musée des Beaux-Arts à Rouen.
  • Tarifs : 9 €, 6 €, gratuit pour les moins de 26 ans et les bénéficiaires de minima sociaux
  • Renseignements au 02 35 71 28 40 ou sur www.mbarouen.fr
  • photo :Mrs. Algernon Bourke costumée en Salammbô, Tableau vivant à Bleheim Palace, 1897. © Londres, Victoria & Albert Museum et Victor Prouvé,