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Le réel réinventé par Christophe Guérin

photo Christophe Guérin


Christophe Guérin a une approche personnelle du cinéma. Tant sur la technique que l’artistique. Le réalisateur havrais qui a une vingtaine de films à son actif est aussi le programmateur des séances du MuMaBoX au musée André-Malraux. La prochaine se tient mercredi 12 décembre et porte sur les Dramaturgies du réel.

photo Christophe Guérin

Christophe Guérin a toujours montré un vif intérêt pour l’image en mouvement. Il est un grand cinéphile avec une soif de découverte de cinéma art et essai. Avant tout, le choc esthétique est venu du cinéma expérimental. « Ce fut une découverte importante. Je ne savais pas que l’on pouvait écrire des choses radicales avec la pellicule ». Christophe Guérin plonge dans l’histoire d’un genre pluriel. On en compte autant que de réalisateurs, adeptes du Do it yourself. Pour le Havrais, le parrain se nomme Jonas Mekas, artiste lituanien qui a commencé un journal filmé à son arrivée aux États-Unis. 

Toutes ses découvertes, Christophe Guérin les partage une fois par mois au musée d’art moderne André Malraux au Havre. Les séances MuMaBox sont une occasion d’explorer cette vaste production cinématographique. Qu’est-ce que le cinéma expérimental ? « On peut le définir par ce qu’il n’est pas. Il est non narratif, non représentatif et non industriel ». Donc très loin de des grands circuits actuels. Néanmoins, « c’est un monde qui s’est organisé en association, en collectif. Il y a de multiples distributeurs et de nombreux festivals ». Cela reste de toute évidence un « cinéma de peu » et de « pionnier » que les galeries, les musées et les Frac regardent désormais avec un œil intéressé.

Les saisons de MuMaBoX commencent avec la rencontre d’un artiste et se termine avec le regard d’un chercheur. Entre ces deux séances, Christophe Guérin programme des courts et des longs métrages en lien avec la thématique de l’exposition présentée au MuMa. « Pour le public reçoive les films, il faut les accompagner. Je les présente. J’interpelle le sujet. Je mets le spectateur au centre du dispositif. Je suis exigeant avec moi-même et aussi avec le public qui doit peut-être faire un petit effort. J’aime bien ressortir d’une séance et ne pas avoir tout compris ou être bousculé ».

À la recherche d’une matière

Christophe Guérin n’est pas seulement programmateur et membre de Light Cone, une des plus importants distributeurs européen. Il est aussi réalisateur. « Ce n’est pas facile d’être des deux côtés : voir énormément de films pour être commissaire et avoir suffisamment d’orgueil pour être arbitre. Cependant, quand il y a une sincérité, un besoin de créer, on le fait quand même ». Christophe Guérin a commencé avec la technique du found footage. À Londres, dans le quartier Soho, il a trouvé dans une poubelle une bobine de 35 mm. Une matière à sculpter, à gratter, à peindre… et une véritable expérimentation.

Le Havrais a aussi filmé sa ville. D’une manière singulière. Sur son vélo, caméra super 8 à la main, il a filmé le port et les rues. « Je voulais choper des images de façon aléatoire. Je ne renonce à rien. Rien n’est écrit à l’avance ». Et la caméra devient le prolongement du corps. Il en résulte des films donnant des perspectives inédites. Membre de la Bande des Havrais, il a vécu pendant 42 jours durant l’été 2016 sur un cargo parti vers la Guyane et le Brésil. « Ma cabine était mon lieu de résidence, un endroit propice à la concentration ». Christophe Guérin a filmé la traversée avec une Bolex qui permet « une approche photographique. Il m’a fallu un an d’apprentissage pour connaître cet outil ». Fendre Les Flots est un carnet de bord, une peinture hypnotique d’une image en mouvement. Héritage est un nouveau travail du réalisateur effectué à partir des photos de famille. « J’ai voulu faire le portrait de ma mère avant ma naissance, de cette femme que je n’ai pas connue en fait ». Christophe Guérin continue d’emprunter des chemins inexplorés. « Pour progresser ».

Infos pratiques

  • MuMaBoX sur les Dramaturgies du réel, mercredi 12 décembre à 18 heures au MuMa, musée d’art moderne André-Malraux au Havre.
  • Entrée gratuite.
  • Renseignements au 02 35 19 62 72.
  • Le programme : Hotel Forum d’Arianne Olthaarr, One Hour Real de Miriam Gossing et Lina Sieckmann, The Watchmen de Fern Silva, Occidente d’Ana Vaz, Getting into Bed, Dream of a ray fish, Wave, Wheels, The Horse of the prophet de João Maria Gusmão et Pedro Paiva