Mélanie Boulanger : « Il faut valoriser l’ancien et se projeter dans une culture du futur »

photo : Nicolas Broque

Après Pascal Le Manach (Lutte ouvrière) et Laurent Bonnaterre (La République en marche), Relikto poursuit la série d’entretiens avec les candidates et les candidats aux élections régionales en Normandie sur leur projet culturel. Aujourd’hui, c’est Mélanie Boulanger, maire de Canteleu, vice-présidente de la Métropole Rouen Normandie en charge de la Jeunesse, qui conduit la liste d’un rassemblement de la gauche et des écologistes.

Quel regard portez-vous sur le secteur culturel normand ?

Il est riche, divers. Il est parfois trop marqué par l’histoire. Il y a en Normandie des acteurs culturels qui sont dans la modernité. Il faut valoriser l’ancien et se projeter dans une culture du futur. On compte un grand nombre de compagnies, d’artistes, de lieux performants. Il faut porter cette richesse, soutenir le maillage territorial. Le budget de la culture ne doit pas faire les frais d’autres dépenses. Je considère que la république est un élément à défendre par dessus tout. Pour ce faire, il faut de la culture qui favorise les liens humains, les liens sociaux, du divertissement… En fait tout ce qui fait nous reconstruire. Cela ne doit pas être seulement réservé aux grandes villes et aux élites.

Le monde culturel a été longtemps confiné et les artistes vivent dans l’incertitude. Comment est-il possible de les accompagner ?

Il me paraît important de rapidement défendre les festivals, de faire en sorte que les créateurs aient un carnet de commande. Ils doivent pouvoir exercer leur métier. La commande publique est nécessaire. Je suis une élue de la Métropole qui a lancé un appel à projets concernant toutes les formes d’art. C’est une action que peut aussi être menée par la Région. Les artistes ont certes besoin de soutien financier mais ils ont surtout envie d’être programmés et de montrer un savoir-faire.

Vous avez évoqué la nécessité d’un maillage territorial. Quelles peuvent être les mesures pour y parvenir ?

Il ne faut pas faire les choses sans l’avis des personnes concernées. Il y a des réalités. J’ai rencontré une compagnie de Lisieux qui souhaite intervenir sur son territoire. Or elle reçoit la même subvention en valeur absolue depuis des années et s’en débrouille. Nous savons qu’il y a plein d’initiatives locales. Il faut faire confiance à ces acteurs, les soutenir et les accompagner. Le milieu culturel est source d’idées et de personnes qui sont à l’offensive. Il faut emmener la culture hors les murs. Cela permet aussi un accès aux jeunes qui sont parfois loin des grandes villes. Pour eux, c’est très compliqué.

Comment assurer des droits culturels à toutes et tous ?

Je pense que le vecteur de l’école est important. Celui associatif est nécessaire. Je me souviens d’une initiative à Val-de-Reuil, Cin’été, un festival qui proposait tous les soirs des films, classiques, grand public ou d’art et essai. Comme tout était bien amené, il n’était pas difficile de voir tous ces films. Comme pour le théâtre, il faut habituer les yeux et les oreilles. Les acteurs culturels ont cette capacité d’accompagner les publics, de leur tenir la main. C’est pareil dans le sport, un représentant d’un club d’escrime a réussi à faire venir un jeune des quartiers qui est préparé pour les jeux olympiques de 2024. Il a trouvé les ressources. La culture sait le faire aussi. Il faut accompagner dans cette dimension. J’ai un exemple dans ma commune pour amener aux livres. Nous souhaitons transformer la médiathèque en un tiers lieu afin de mettre les gens au milieu des livres.

Une de vos mesures consistent à reconduire les Concerts de la Région.

En Haute-Normandie, il y avait tous les ans une semaine de concerts. Cela faisait travailler les sociétés d’événementiel. Je souhaite les reproduire à Rouen, à Caen et à Cherbourg. C’est aussi un élément d’attractivité touristique. La vision de la présidence sortante est une politique clientéliste. Sous prétexte que l’on a mis de l’argent à l’Opéra, on a fait le job. 

Il n’y a pas de pole d’enseignement supérieur en Normandie. Est-il nécessaire selon vous ?

C’est un problèmes dans de nombreux domaines. Je ne m’engage pas sur ce point. Ce n’est pas  quelque chose que nous avons imaginé. Il faut en discuter.

Dans votre programme figure un plan rebond. De quoi s’agit-il ?

Pendant quinze mois, les acteurs du monde associatif et des loisirs ont été à l’arrêt. Il faut encourager tous ces gens à retrouver leur façon de faire. Nous souhaitons être à leur côté afin qu’ils puissent sortir la tête hors de l’eau. Le soutien peut passer par un allégement dans la procédure de demande de subvention. Tout est compliqué aujourd’hui. J’ai entendu dire plusieurs fois de la part de membres d’associations qu’ils n’avaient plus la force. Ce tissu-là ne doit pas mourir. Je souhaite réunir tous les acteurs du monde économique, associatif, culturel, le CESER pour déterminer quelles décisions il est nécessaire de prendre. Il faut être à l’offensive sur ces sujets-là.

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