Sylvie Brunet-Grupposo : « C’est toute l’humanité que l’on perçoit dans Le Trouvère »

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Sylvie Brunet-Grupposo est à nouveau Azucena dans Le Trouvère de Verdi. Elle reprend ce rôle de bohémienne portant un traumatisme profond. Azucena a vu sa mère condamnée au bûcher avant de jeter son propre fils dans les flammes dans un moment d’égarement. Cette femme n’aura plus qu’une seule obsession : se venger. Et elle y parviendra. Sylvie Brunet-Grupposo, mezzo-soprano au parcours brillant, connaît très bien ce rôle et excelle dans la mise en scène de Clarac-Delœuil﹥ le Lab à l’Opéra de Rouen Normandie. Elle est pleine de tendresse face à Manrico, le fils adoptif, et devient redoutable quand il s’agit de mener à bien son dessein. Sylvie Brunet-Grupposo, bouleversante, a une présence irradiante sur scène. Entretien.

Vous dites que ce rôle d’Azucena vous permet d’exprimer ce que vous n’avez jamais pu dire. Pourquoi ?

Dans mon enfance, j’ai été confrontée à des injustices, des humiliations. J’ai été rejetée et j’en ai beaucoup souffert. J’ai grandi avec un sentiment de culpabilité qui m’a causé des maladies. Aujourd’hui, je ne suis plus cette enfant mais il reste en moi ce sentiment de révolte face à toutes les injustices. Le rôle d’Azucena, en particulier, me permet en effet de dire tout ce que je n’ai pas pu dire. Nous avons plein de points communs toutes les deux. Ma grand-mère que je n’ai jamais rencontrée était chamane. Elle soignait par les plantes. Je suis aussi chamane.

En quoi cette production de Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil vous permet de l’exprimer davantage ?

Notre rencontre est extraordinaire. La première a eu lieu à Bruxelles. Je chantais à la Monnaie. Leur appartement était au-dessus du mien. Avec Le Trouvère, c’est un vrai coup de foudre. C’est à la fois étrange et extraordinaire. Deux ou trois jours avant le travail, j’ai trouvé un cristal : un ange avec des ailes déployées portant une étoile. Tous les deux n’ont pas vu cet objet. Je suis habillée de cette manière quand j’entre sur scène. Quand j’ai vu le costume, j’ai eu un frisson.

Est-ce qu’Azucena est avant tout une femme révoltée ?

Oui, elle est révoltée parce qu’elle est entourée d’injustice. Elle vit à une époque où on brûlait les personnes dès qu’elles gênaient. On les accusait de ne pas croire en Dieu mais c’est faux. Elles étaient croyantes, vivaient avec Dieu et faisaient appel à lui. Leur vie était une lutte contre les injustices.

Azucena porte surtout une blessure.

Ce n’est plus un déchirement. C’est un cratère. Elle a toujours le souvenir de voir sa mère sur un bûcher et son fils, dans les flammes. C’est d’une cruauté infinie.

Azucana est un rôle que vous avez souvent repris.

Je l’ai abordé très jeune. On me disait que j’avais une voix verdienne. Ma première Azucena a été en version française. À chaque fois que je reprends ce rôle, je le travaille plus en profondeur. Je recherche toujours ce qu’elle éprouve. Verdi a été le premier à traduire de cette manière les émotions et les sentiments. Cet opéra est sa plus belle œuvre, la plus forte. C’est toute l’humanité que l’on perçoit dans Le Trouvère.

Vous qui êtes chamane, donnez-vous une dimension spirituelle au chant ?

Oui et depuis toujours. Le chant nous traverse. La voix que j’ai reçue ne m’appartient pas. Alors je dois la soigner, en prendre soin, la protéger. Nous ne savons pas d’où vient une voix. Je pense qu’elle est reliée à l’âme, vectrice de toutes les émotions. On ne peut pas tricher avec une voix, sauf si on la traficote.

Infos pratiques

  • Vendredi 24 septembre à 20 heures, dimanche 26 septembre à 16 heures, mardi 28 et jeudi 30 septembre à 20 heures, samedi 2 octobre à 18 heures au Théâtre des Arts à Rouen.
  • Durée : 3 heures
  • Tarifs : de 68 à 10 €
  • Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr