Les élèves du conservatoire de Rouen face aux écritures contemporaines

photo : Christelle Dupuich

Pour ce premier rendez-vous théâtral, les élèves de la classe d’art dramatique du conservatoire de Rouen se confrontent aux écritures contemporaines et à la thématique du départ. Sous la direction de leur professeure, Caroline Lavoinne, ils jouent les 3 et 4 mars à la salle Louis-Jouvet à Rouen avec L’Étincelle.

D’un côté, Debout Sur Un Pied de Sufo Sufo qui laisse son personnage sur le quai d’un port en Afrique avant un éventuel voyage. C’est l’occasion pour Oméga Dream de s’interroger sur les raisons de partir ou de rester et de fantasmer un ailleurs. De l’autre, il y a Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent de Sony Labou Tansi qui réunit Noham, Zooam, son frère, et Mamab, son mari, sur un bateau, l’Adamantine. Tout se déroule paisiblement jusqu’à ce qu’ils aperçoivent les occupants d’un boat-people. Caroline Lavoinne met en miroir ces deux textes pour les premier travaux dirigés de sa classe d’art dramatique au conservatoire de Rouen.

Deux écritures

Son objectif : travailler sur des écritures contemporaines, aussi sur celles venant d’un autre continent que celui de l’Europe. Elle a choisi deux textes écrits dans deux styles complètement différents. « Le premier est très réaliste, sensible, avec des passages de rêves alors que, dans le second, tout part dans tous les sens. Nous sommes à la limite du grand-guignolesque et on peut s’amuser. Nous sommes entre le clown et les Muppets, entre la tragédie et la série Z. Cela demande un travail sur le corps, les intonations, la voix ». Elle a confié à ses élèves Debout Sur Un pied de Sufo Sufo et Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent de Sony Labou Tansi pour ces premiers travaux dirigés de l’année.

Les 17 apprentis comédiens et comédiennes se retrouvent en résidence à la salle Louis-Jouvet avant les deux représentations en public. Première étape : il a fallu qu’ils s’approprient ces deux langues. « Ma première approche n’a pas été la bonne. Nous avons tout d’abord lu les premières scènes. L’ambiance n’est plus du tout la même au fil du texte », se souvient Thomas, en première année. Lucie, en première année également, a apprécié « naviguer entre deux styles. C’est très intéressant dans un même spectacle ». Quant à Maxime, en deuxième année, a préféré « attendre avant d’avoir un avis. Nous sommes là sur des histoires globales. L’écriture m’a intéressé parce qu’elle est brute, moins poétique que celle de Molière, avec les vers et les rimes, que nous avons travaillé l’année dernière. Dans le deuxième texte, l’auteur écrit sa pensée qui peut être violente. Il y a une vraie différence avec le premier. Nous sommes plus dans la licence poétique. Les enjeux ne sont pas du tout les mêmes ».

Sur un fil

Deux textes avec deux styles qu’il faut donc digérer. « C’est compliqué de passer de l’un à l’autre. Heureusement nous avons tout d’abord mené un travail théorique pour comprendre la psychologie et le but de chaque personnage. Ce fut important pour avoir des points de repères. Même si nous sommes tous différents dans notre jeu, nous arrivons à nous rejoindre à un moment », confie Thomas. L’apprenti comédien trouve ainsi plus de plaisir dans le texte de Sony Labou Tansi. « C’est beaucoup plus drôle, surtout avec mes partenaires de jeu. Dans le premier texte, tout est plus sérieux et plus froid. Cependant, dans Debout Sur Un Pied, il faut trouver un juste milieu, être sur un fil pour ne pas dépasser la limite. C’est ce qui rend le travail intéressant ».

Même remarque de la part de Maxime qui joue notamment un monologue extrait de Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent. « Ce passage est également très classique, très tragédien, très grec. Ce théâtre me correspond bien. Dans cet humour, je dois retrouver ce côté tragédien ». Lucie a davantage trouvé sa place dans la première pièce. « Cela a été plus facile pour moi. J’aime moins ce travail de corps. On doit être dans l’urgence ».

Pourquoi partir ?

En proposant Debout Sur Un Pied de Sufo Sufo et Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent de Sony Labou Tansi, Caroline Lavoinne a souhaité aborder avec la classe le thème du départ. « Chez les jeunes, il y a souvent cette idée de partir, d’aller se construire ailleurs ». Lucie a fait une première expérience. « Avec le covid, j’ai ressenti une urgence de partir de chez moi, de ma région. Je suis vite revenue ». Thomas s’interroge sur « les différentes façons de partir. Je ne conçois pas les départs comme ils sont évoqués dans les pièces. Ils doivent être choisis. Je pense que, dans une vie, nous vivons tous des départs ». Maxime, lui, a ressenti d’autres besoins. « Je suis bien où je suis. Je suis attaché à mon chez moi, ma ville, mes racines. Mais, depuis cette année, j’ai envie d’aller voir plus loin, de sortir de ma zone de confort. Après le conservatoire, il faudra bouger, entrer dans la vie active ou aller dans une école supérieure. En fait, ce n’est pas tant la question du départ qui me touche mais davantage celle des migrations, de cette obligation de fuir un endroit ».

Ils sont 17 sur un même plateau, à construire ensemble ce spectacle, devoir travailler avec une équipe technique. Ils l’assurent : « nous allons nous en sortir ».

Infos pratiques

  • Jeudi 3 et vendredi 4 mars à 19 heures à la salle Louis-Jouvet à Rouen
  • Durée : 1h 30
  • Spectacle gratuit
  • Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • photo : Christelle Dupuich