Un « Bourgeois gentilhomme » burlesque et généreux

photo : Marie Clauzade

Il y a beaucoup de fantaisie dans Le Bourgeois gentilhomme de Jérôme Deschamps. Le comédien et metteur en scène fait de cette célèbre comédie-ballet de Molière et Lully un spectacle rythmé et coloré à voir du 10 au 13 mai au Volcan au Havre.

Il y a des liens entre Bouvard et Pécuchet et Le Bourgeois gentilhomme, les deux dernières créations de Jérôme Deschamps. Il fait de ces personnages de grands naïfs maladroits, drôles, souffrant d’une certaine solitude. Et ils en deviennent très attachants. Après Flaubert, le comédien et metteur en scène donne une lecture pleine de fantaisie de la comédie-ballet de Molière et Lully. Une pièce qu’il a vue à La Comédie-Française quand il était enfant. « J’allais au théâtre pour la première fois. J’étais avec mon grand-père. J’ai beaucoup ri. J’adore ce texte. L’innocence des personnages me fait rire. Cela faisait partie d’un des rêves de ma vie de la mettre en scène ».

C’est chose faite. Avec Jérôme Deschamps, M. Jourdain n’est pas ce bourgeois rigide et austère. « Il a mené sa vie de commerçant. Il arrive à la fin de sa vie et ne veut pas se retrouver à manger sa soupe à 7 heures le soir avec sa femme. Ce serait des journées bien trop ennuyeuses. Il se dit : je n’ai jamais appris et, maintenant, j’ai le droit d’apprendre ». Il fait alors venir un maître de chant, de danse, d’armes et de philosophie. M. Jourdain a envie non seulement d’être cultivé mais aussi d’être élégant. Il commande un costume qu’il attend avec une grande impatience. En fait, « il devient le pigeon de tous ces types qui lui font payer cher cette naïveté ». 

Une place aux femmes

De la naïveté, Madame Jourdain et Nicole, sa servante, n’en ont pas du tout. Elles sont même très clairvoyantes. Toutes les deux se moquent ouvertement de cet homme qui en oublie le mariage de sa fille, Lucile. Dans Le Bourgeois gentilhomme, comme dans beaucoup de ses pièces, Molière aborde ainsi la question de l’émancipation des femmes. « À cette époque-là, elles avaient seulement le droit de se marier ou d’aller au couvent. Il fallait encore mieux qu’elles soient mariées avec un vieux monsieur qui meurt vite pour hériter et accéder à l’indépendance. Madame Jourdain a un caractère bien trempé et ne s’en laisse pas conter. Quand son mari veut lui fendre la tête avec les pièces du repas parce qu’elle vient troubler le moment avec Dorimène, elle lui répond qu’elle défend ses droits. Elle lui dit aussi : je m’en moque. J’aurai toutes les femmes du monde avec moi. Nicole ne mâche pas ses mots non plus. Elle a du culot. Elle n’hésite pas à prendre la parole ».

Autre dimension politique de la pièce : Le Bourgeois gentilhomme, une commande de Louis XIV, dresse sur un ton corrosif le portrait de cette bourgeoisie qui veut accéder à l’aristocratie et ses privilèges et rappelle les désaccords avec les Turcs. « Ils sont les grands méchants de la Terre. Ils ont battu la France en Italie ». D’où la cérémonie du Mamamouchi, un titre honorifique inventé par Molière.

Dans ce Bourgeois gentilhomme, on retrouve les couleurs de l’univers de Jérôme Deschamps, une collection de costumes, de perruques et de chapeaux extravagants, des jeux scéniques facétieux. La troupe s’empare de ce texte de Molière avec une gourmandise pour présenter cette partition drôle, tendre et enchantée.

Infos pratiques

  • Mardi 10, mercredi 11, jeudi 12 et vendredi 13 mai à 20 heures au Volcan au Havre
  • Durée : 3 heures
  • Spectacle tout public à partir de 12 ans
  • Tarifs : de 33 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com
  • Des places sont à gagner. Pour jouer, écrivez à muriel.relikto@gmail.com