James Thierrée : « j’aime cette idée que mon corps devienne un instrument avec lequel on joue »

photo : Fred de Casablanca

Entretien avec James Thierrée, un artiste aux multiples talents. L’acrobate, comédien, metteur en scène, musicien, danseur, crée des mondes merveilleux et poétiques. Room, son nouveau spectacle, toujours aussi protéiforme et pluridisciplinaire, est un rêve où se croisent des créatures pleines de fantaisies. C’est la fête dans cette chambre avec la Compagnie du Hanneton, fondée par le petit-fils de Charlie Chaplin. Room est à visiter jeudi 26 et vendredi 27 mai au Volcan au Havre.

Qui sont les personnages qui se retrouvent dans cette Room ?

Ce sont des monstres, des fantômes. Ils sortent de l’humanité et nous sortent aussi de l’humanité. Ils sont comme des instruments. Dans le sens où ils se font instrumentaliser. Cela peut être péjoratif mais cela exprime le fait de créer, de nous aider à créer quelque chose qui va au-delà de nous. J’aime cette idée que mon corps devienne un instrument avec lequel on joue, on s’émancipe. Room s’est écrit autour de cela. Nous avons traversé ces deux dernières années en écoutant beaucoup de musique. Nous avons aussi turbulé dans le vide. Room est né dans ce chaos. C’est une folie joyeuse dans laquelle on danse avec le diable.

Avez-vous toujours considéré votre corps comme un instrument ?

Je l’ai pratiqué très tôt. J’avais des parents (Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée, ndlr) qui expérimentaient beaucoup. Et ils le faisaient avec le corps. C’est quand même un drôle d’objet. Il n’est pas prévu pour faire toutes ces choses sur scène. Il a donc une grande faculté d’adaptation. Il peut se métamorphoser, se régénérer. Aujourd’hui, j’ai 48 ans et il y a des choses que je ne peux plus faire. Alors il faut lui accorder plus d’attention qu’à la pensée. Je me mets à écouter mon corps et il dit des choses intelligentes.

Est-ce que votre corps vous dévoile des secrets ?

Au fil du temps, j’ai entamé une vraie conversation avec lui. Celle-ci n’est pas mystérieuse. Elle est davantage une écoute. Il y a dix ans, c’était fini pour moi. J’ai trop cramé mes articulations. J’ai commencé l’acrobatie à 9 ans. Mon corps a décidé du moment pour dire stop. Il a envoyé des signaux.

Est-ce pour cette raison que la parole tient une place toute particulière dans Room ?

Pendant très longtemps, les mots n’avaient pas de place dans mes spectacles, déjà très chargés visuellement. Ils auraient été comme l’invité de trop. Comme je disais, pendant la crise sanitaire, nous avons joué beaucoup de musique et la voix est sortie du corps naturellement. Elle est une expression naturelle, comme la danse, et même essentielle. Tout le monde chante et danse plus ou moins discrètement. Cela devient intéressant quand la voix exprime l’intime. J’ai découvert que le chant est très physique. Il a aussi un rapport à l’enfance, à des choses simples. Par ailleurs, écrire une chanson est étrange. C’est un point de vue.

Quelle est la fonction de la chanson dans ce spectacle ?

Elle est très importante parce qu’elle encadre le spectacle. Room n’est pas un concert. Les chansons sont comme des bulles qui évoquent des sentiments, des pulsions… Elles sont évanescentes. Elles restent dans une poésie de l’élan parce que nous avons envie de rêver très haut.

Quel est votre rôle dans Room ?

Je suis l’architecte qui essaie de rester en contact avec la chambre pour savoir ce qu’elle a envie de vivre, comment elle voudrait être reconstruite quand elle se démonte. Elle respire tout le temps. Elle n’est jamais fermée. C’est l’endroit où les artistes se laissent aller. Elle a aussi beaucoup vécu d’histoires, partagé de nombreuses vies et passions. C’est peut-être aussi le rêve d’une chambre.

Infos pratiques

  • Jeudi 26 mai à 19h30, vendredi 27 mai à 20h30 au Volcan au Havre
  • Durée : 1h45
  • Spectacle tout public à partir de 10 ans
  • Rencontre avec James Thierrée à l’issue des deux représentations
  • Tarifs : de 33 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com
  • Des places sont à gagner. Tentez votre chance en écrivant à muriel.relikto@gmail.com