/

Sainer : « je veux être impressionné par la peinture »

photo : Pracownia

Sainer fait un retour à Rouen. Pendant Rouen impressionnée 2017, l’artiste polonais est venu peindre une fresque dans le quartier des Sapins. Jusqu’au 18 septembre, il expose au Hangar 107 Kolorytm, un ensemble d’œuvres de petits et grands formats. Sainer est surtout connu pour ses compositions murales gigantesques réalisées avec Bezt, autre membre de ce duo international, Etam Cru. S’il ne délaisse pas la rue, Przemysław Blejzyk, alias Sainer, a développé son travail, au croisement de divers courants picturaux, dans son atelier ; affirmant ainsi un sens du rythme et une maîtrise des couleurs. Entretien avec Sainer.

Votre travail est très influencé par le hip-hop. Quelle place tient la musique dans votre travail ?

Mon père est musicien. Quand j’étais enfant, je l’entendais jouer à la maison. La musique tient une place importante mais je n’ai jamais eu envie d’en faire mon métier. Ce fut d’ailleurs l’objet de plusieurs discussions avec mon père. La culture hip-hop m’a toujours beaucoup influencé. Après la découverte de Kandinsky, j’ai réussi à établir le lien entre peinture et musique. Lui a trouvé une façon de peindre avec des formes, des structures et des couleurs.

Est-ce que le rythme est le lien entre peinture et musique ?

C’est le rythme qui fait le lien. Il faut en effet trouver un rythme à travers des couleurs et des formes. Les compositions sont, pour moi, comme des boucles musicales. Elles doivent capturer le regard, offrir la possibilité de naviguer avec des boucles rythmiques. Comme en musique, j’improvise. Je ne veux pas construire des personnages, des histoires… Je me raccroche au rythme.

Comment appréhendez-vous les très grandes surfaces ?

Quand je peignais au début, j’avais une idée précise du résultat. Cela devenait ennuyeux parce que j’étais dans l’exécution. Aujourd’hui, je fais le chemin inverse. Je ne sais pas ce que je vais peindre. Je réalise quelques dessins préparatoires pour fixer de grandes lignes générales. Ensuite, quand la toile est au mur, j’ai la peinture et les idées viennent. Je me laisse surprendre par ce que je fais. Je trouve qu’il y a beaucoup de beauté dans les accidents. Je ne veux pas être impressionné par la peinture.

Est-ce l’humeur du moment qui influence votre travail ?

Non, ce n’est pas l’humeur du moment mais l’environnement général. Les premières lignes et idées sont là. J’analyse ce qui se passe sur la toile. Ici, au Hangar 107, je prends en considération les fenêtres, les rails, les tuyaux. Et je me donne le temps de la réflexion.

Il y a plusieurs influences dans votre travail. Êtes-vous particulièrement marqué par la peinture réaliste ?

Par un réalisme moderne ! Le réalisme n’est pas un style mais une esthétique. Strzemiński, un artiste polonais, pionnier de l’avant-garde, disait que la peinture réaliste n’existe pas. C’est une façon de décrire une époque. Je me place aussi dans cette optique. Cela dépend de la façon dont on appréhende les informations et les images. Nous superposons les éléments réalistes et les éléments  abstraits.

Comment travaillez-vous la lumière ?

La lumière est la source de la peinture. Le rythme est l’élément structurel. C’est le jeu d’ombre et de lumière qui va permettre de connecter les différentes parties de la composition. Comme je fais beaucoup de peintures de paysages, il est important pour moi de me réapproprier cette tradition. Dans un paysage, la lumière a toute son importance. Le but n’est pas de faire une carte postale. Mieux vaut alors prendre une photo. Sur ce sujet, j’aime citer Cézanne. Quand on veut peindre un paysage, il faut faire comme si on l’avait vu pour la première fois. La lumière reste un véritable sujet d’étude. Elle permet de comprendre comme fonctionne la peinture. En fait, il faut trouver un équilibre entre rythme, forme, couleur, ambiance et lumière.

Pourquoi se dégage tant de mélancolie de vos peintures ?

J’ai grandi dans une famille catholique. Mon père a composé deux albums religieux. Il a même rencontré le pape à cette occasion. La religion avait donc une place importante et j’allais régulièrement à l’église. Je trouve que la mélancolie est très présente dans la religion catholique en Pologne. La campagne est imprégnée de religion. Tout fonctionne selon le rythme religieux. Cela a infusé pendant toute mon enfance. Le sentiment de calme est lié à la mélancolie.

Est-ce pour cette raison que vos personnages ne sourient jamais ?

En effet, les personnages ne sourient jamais. Dans votre culture européenne, une personne qui ne sourit pas est mélancolique. Il faut sourire tout le temps. C’est une façon de me confronter aux clichés. Les personnages des toiles sont des personnes que je photographie. J’attends toujours qu’elles soient épuisées pour les photographier. C’est le moment où elles laissent tomber le masque. Je cherche à les faire apparaître dans un état simple.

Infos pratiques

  • Jusqu’au 18 septembre, du mercredi au vendredi de 14 heures à 18 heures, les samedi et dimanche de 11 heures à 19 heures, au Hangar 107 à Rouen
  • Entrée gratuite