Fouad Boussouf : « il y a urgence à réanimer l’imaginaire »

photo : DR

La danse de Fouad Boussouf est généreuse et empreinte d’une énergie communicative. Le chorégraphe développe un langage nourri de multiples influences dans ses différentes créations. Fondateur en 2010 de la compagnie Massala, il est désormais le directeur du Phare, le centre chorégraphique national du Havre Normandie, et succède à Emmanuelle Vo-Dinh. Avec ce projet, Enchanter le quotidien, il souhaite emmener la danse dans tous les lieux, la partager, la transmettre, la marier avec plusieurs disciplines artistiques. Plein Phare est le nom d’un festival de danse, présenté vendredi 14 octobre, qui se tiendra au Havre du 18 novembre au 3 décembre. Entretien avec Fouad Boussouf.

Vous êtes désormais directeur d’un centre chorégraphique national, Le Phare. Pourquoi est-ce important pour vous d’avoir un lieu ?

C’est important pour pouvoir tout simplement accueillir, non seulement des artistes mais aussi du public, et partager. Accueillir et partager sont des mots importants pour moi. Un centre chorégraphique est surtout un endroit de création où on peut imaginer beaucoup de choses avec de jeunes compagnies en voie de professionnalisation, avec des amateurs. Il est possible de proposer diverses activités qui peuvent dépasser le cadre strict établi.

Votre projet a pour titre, Enchanter le quotidien. La tâche est immense.

Elle est nécessaire. Il y a urgence à réanimer l’imaginaire qui s’est assoupi. Nous vivons en effet des moments qui ne sont pas joyeux. Nous avons des ressources qui ne sont pas assez utilisées. Il faut produire de la pensée, rouvrir cet imaginaire avec la danse et tous les autres arts.

Vous parlez de partage. Est-ce synonyme de transmission ?

La transmission est dans mon ADN. Nous avons formé de jeunes danseurs et nous les avons aidés à grandir. Ils sont devenus des professionnels aujourd’hui. Je croise des danseurs qui viennent s’entrainer et qui se retrouvent ensuite dans mes pièces. Il est important de donner ce que l’on a reçu. Et j’ai beaucoup reçu. Cela m’a permis de m’ouvrir sur le monde, de penser le monde différemment.

Il est difficile de parler de la danse. Comment est-il possible de transmettre ? 

C’est déjà important de parler de la danse, surtout de donner à voir ce qu’a imaginé un artiste. C’est tout aussi important d’éprouver une émotion par le corps. La danse, ce n’est pas seulement pour les danseurs. Tout le monde est quelque part danseur à son endroit. Cela passe par une sensibilisation pour les plus jeunes et de rappeler aux adultes qu’ils ont toujours dansé. Il y aura ainsi des moments festifs avec des dj sets. Faire bouger son corps, c’est faire bouger son esprit.

Pourquoi dites-vous que nous sommes tous danseurs ?

Tout le monde danse. C’est une dimension naturelle de l’être. Je n’ai pas baigné dans un milieu artistique mais ça dansait. La danse permet un lâcher prise. Elle laisse passer les émotions et nous rend plus perméables à ces émotions. La danse redonne également de la confiance. Pour cela, elle doit sortir, surgir là où on ne l’attend pas.

Votre projet accorde une large place à la pratique amateur.

C’est un volet important. Il y a des liens avec le lycée François Ier, les centres sociaux, le conservatoire… Le Phare souffre de ne pas être connu. Alors, il faut aller à la rencontre de tous les publics. Ce lien est essentiel. J’en suis convaincu parce que je suis issu de ces dispositifs.

Quelle est votre attention aux compagnies régionales ?

Il y aura un soutien aux compagnies locales et régionales par des accueils, des coproductions. Nous aurons un regard attentif à la création.

Plein Phare est un nouveau festival. Comment l’avez-vous imaginé ?

C’est un coup de projecteur sur des artistes et les partenaires. Le festival est programmé dans onze lieux. Lors de la prochaine édition, il s’étendra encore afin que les publics puissent se croiser, se rencontrer. Il va accueillir des professionnels qui pourront découvrir des artistes locaux. Il y aura trois créations.

Qu’est-ce qui vous met en mouvement ?

Je suis a priori hyperactif mais je n’y crois pas beaucoup. Je suis actif. J’ai des convictions fortes. Je suis en mouvement quand je danse, quand je vois des projets aboutir. Je n’étais pas destiné à ce que je fais aujourd’hui. J’aime construire, voir les gens se réunir. Un centre chorégraphique est un lieu pour construire avec et pour. Le Havre est une ville que j’ai choisie par le cœur. Elle est magnifique et a un fort potentiel mais elle est rude. Pour moi, venir ici est un challenge.

Votre danse est teintée de diverses esthétiques. Est-ce le reflet de votre parcours ?

Je suis très curieux. J’observe beaucoup. Beaucoup de choses passent par les yeux, les sens. Mon parcours fait que ma danse est plurielle. Mon corps a éprouvé beaucoup de danses : du jazz, du hip-hop, de la danse contemporaine… Mes danseurs viennent aussi de partout. C’est ce qui apporte une richesse au plateau. Comme vivre ensemble. Cela n’est pas anodin.

Infos pratiques

  • Soirée de présentation du festival Plein Phare vendredi 14 octobre à 19 heures au Phare au Havre
  • Entrée libre
  • Réservation au 02 35 26 23 00 ou en ligne