Aurélie Saada : « j’ai besoin que le public reparte avec une partie de moi »

Photo : Diane Sagnier

Dans son premier album, Bomboloni, Aurélie Saada a mis une multitude de couleurs et de parfums, beaucoup de sensualité, de féminité et de charme, aussi divers souvenirs pour raconter son histoire et celle de sa famille venue de Tunisie. Membre du duo, Brigitte, avec Sylvie Hoarau, elle mène désormais un projet musical en solo en forme de voyage intime. Aurélie Saada a entamé un Bomboloni Tour qui passe par Le Tetris au Havre jeudi 9 février, Le 106 à Rouen vendredi 10 février et Le Normandy à Saint-Lô samedi 11 février. Entretien.

Quelle place tient l’écriture ?

J’écris beaucoup. C’est un chemin que j’emprunte depuis longtemps. Pour ce projet, cela n’a pas changé grand-chose. La seule différence : j’interprète seule et sous mon nom. Tout d’un coup, il se passe quelque chose de vertigineux. J’ai tellement aimé faire Brigitte avec Sylvie. Ce duo me rendait heureuse. Je me suis alors demandé comment j’allais pouvoir y arriver toute seule. Est-ce que le public allait avoir envie de venir ? Est-ce que je suis à la hauteur ? Tout cela procure une sorte de vertige. En même temps, c’est quelque chose de plus investi et de plus généreux. Surtout je ne peux plus me cacher.

Est-il possible de se cacher quand on écrit ?

Non, c’est vrai. C’est ce que j’aime dans l’écriture. J’aime quand les artistes se racontent, sont dans le récit d’eux-mêmes. Cela me touche profondément parce qu’ils sont dans une forme de nudité. Lors de mes concerts, j’ai besoin que le public reparte avec une partie de moi.

Dans cet album, une chanson correspond à un récit. Pourquoi ?

Pour chaque chanson, il y a en effet un récit précis. C’est précieux et important pour moi. C’était déjà flagrant dans les chansons de Brigitte. Dans cet album, ça l’est encore plus. J’ai besoin de creuser toujours un peu plus en moi.

Et à ce récit, il y a aussi une voix.

Oui, c’est vrai. À deux, il fallait trouver des compromis. Maintenant que je suis seule, je peux explorer ma voix, aller vers des sonorités très graves ou aiguës. Comme vous n’empruntez pas le même chemin pour aller en divers endroits.

Dans Bomboloni, vous puisez dans le champ lexical de la cuisine. Pourquoi ce choix ?

Pour moi, le lexique de la cuisine est très précieux. C’est le vivant dans tous ses états. La cuisine évoque le refuge, la famille, le souvenir, la peur, la violence, l’érotisme… J’adore utiliser tout ce vocabulaire. Quand j’écris ou je cuisine, je travaille les souvenirs. Ces souvenirs dont je ne peux me débarrasser.

Vous pensez aux plus douloureux.

Dans La Grange aux belles, je raconte un moment terrible de ma vie que je gardais en moi. J’ai été violée à plusieurs reprises par un petit garçon dans la cour de récré. Étrangement, cet épisode m’a construite. En fait, nous avons la capacité de transformer tout ce que nous vivons. Même les événements les plus tragiques. J’écris et je chante pour me réapproprier une partie de mon histoire. Mais, cette fois, c’est moi qui décide. Je donne un récit intime, ma vérité. Avec cette chanson, je me suis réappropriée l’histoire de mon enfance. C’est une façon de soulever le débat et de dire : tendez l’oreille. Les violences sexuelles peuvent arriver très tôt.

Les chansons, c’est comme vous le dites, « ce qui reste du passé ».

Oui, cet album est gorgé de souvenirs de la Tunisie, de ma grand-mère, du parfum de ma mère. Ce sont des bribes d’émotions et j’aime écrire de cette manière.

Avant cet album, Bomboloni, il y a eu un film, Rose, que vous avez réalisé.

C’est une écriture différente. Dans la chanson, il y a quelque chose d’instantané, de brut. C’est une plongée immédiate dans un monde. Un film ne se fait pas seul. Il faut emmener toute une équipe dans une histoire.

Avez-vous envisagé d’aller vers d’autres écritures encore ?

J’y réfléchis. C’est un réel désir. Ce qui est merveilleux avec l’écriture, c’est qu’elle se loge en plein d’endroits. J’ai écrit de la poésie, des nouvelles. Pour l’instant, rien est édité. Petit à petit, j’enlève à mon écriture des artifices. Il n’y a plus la musique, l’image. C’est un chemin vers soi.

Infos pratiques

  • Jeudi 9 février à 20 heures au Tetris au Havre. Tarifs : de 25 à 20 €. Réservation au 02 35 19 00 38 ou sur www.letetris.fr
  • Vendredi 10 février à 20 heures au 106 à Rouen. Tarifs : de 28,50 à 12,50 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce
  • Samedi 11 février à 20h30 au Normandy à Saint-Lô. Tarifs : de 29 à 21 €. Réservation sur www.lenormandy.net
  • Première partie : Thomas Guerlet