Tiken Jah Fakoly : « la colère est née avec le reggae »

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Braquage de pouvoir : le titre du 11e album de Tiken Jah Fakoly est explicite. L’artiste n’a rien perdu de sa force dans son combat contre la « famillecratie ». Il dénonce avec la même verve les systèmes de pouvoir, les guerres fratricides, rappelle que les traversées de la Méditerranée sont très dangereuses. Avec ce disque, au reggae brut, Tiken Jah Fakoly regarde le continent dans sa globalité et veut garder espoir. Il sera samedi 11 mars au 106 à Rouen. Entretien.

Quel sentiment vous animait lorsque vous avez écrit Braquage de pouvoir ?

C’est un sentiment de révolte. C’est pour cela que cet album s’appelle Braquage de pouvoir. Cette chanson donne ainsi le titre à ce disque. On a oublié tout ceux qui sont morts pour la démocratie. Pendant des années, il n’y a eu que des partis uniques. On assiste maintenant à un retour au népotisme. Aujourd’hui, je vois la jeunesse qui s’exprime et qui se récolte. Cela me donne de l’espoir.

Est-ce un phénomène nouveau ?

Jusqu’alors, elle ne prenait pas la parole. Les réseaux sociaux ont permis une certaine liberté. Nous avons changé d’écrans.

Vous parliez d’un sentiment de révolte. Il est là depuis le premier album.

La colère est là et elle ne va pas s’apaiser tant que l’Afrique ne sera pas debout. Elle est à genou après ces années d’esclavage et de colonisation. On n’a jamais demandé son avis à ce grand continent. Pourtant, ce n’est pas le courage qui a manqué. D’où le sentiment de révolte. L’Afrique est riche mais les Africains sont pauvres.

Vous souvenez-vous quand vous avez ressenti cette colère pour la première fois ?

La colère est née avec le reggae, avec le Get up, stand up de Bob Marley. J’écoutais sa musique. Il y a eu aussi les élections en Côte d’Ivoire avec les petits arrangements des hommes politiques qui ne voyaient que leurs propres intérêts. Ils ont mis le pays à feu et à sang.

C’est ce que vous nommez la famillecratie.

Ce terme vient de là. Dans ma démarche de musicien, je dois éclairer. Les hommes politiques manipulent et ne donnent pas d’autres choix. Le côté pédagogique reste important. Je veux rester la voix des sans voix.

Dans cet album, vous regardez toute l’Afrique, pas seulement votre pays. Pourquoi ?

J’ai voulu m’adresser à tout le continent . L’Afrique sera forte quand tous les peuples seront rassemblés. Si elle veut être écoutée, elle n’a pas d’autres choix. Elle doit être unie face à l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine. Je me considère comme un africain d’origine ivoirienne. L’Afrique est le continent de l’avenir. Dans cent ou cent cinquante ans, c’est l’Afrique qui refusera des visas aux Occidentaux. Quand les pays seront stables, tout le monde voudra venir ici. Tout y est à construire.

Est-ce pour cette raison que vous vous adressez à la jeunesse africaine ?

Oui. Franchir la Méditerranée est trop dangeureux. Cette mer est un des plus grands cimetières de la jeunesse africaine. Oui, il y a des crises. Oui, c’est difficile. Oui, il y a de la corruption. C’est une réalité. Mais je le répète, l’Afrique est le continent de l’avenir. Il faut se réunir et affronter les problèmes ensemble. Avec mon association, je m’attaque aux problèmes dans l’éducation en construisant des écoles.

Infos pratiques

  • Samedi 11 mars à 20 heures au 106 à Rouen
  • Première partie : Stalawa & Judah Brownny
  • Se rendre au concert en transport en commun avec le réseau Astuce