Casey : « le rap autorise une fierté »

photo : Tcho Antidote

Ausgang, c’est du rap, du rock et de l’électro dans un mélange bien dosé pour exprimer toute une colère, évoquer une situation du monde et ne pas oublier de résister. Ausgang, c’est Casey, rappeuse au flow nerveux et puissant et aux rimes tranchantes, Marc Sens, à la guitare, rencontré dans Zone Libre, Sonny Troupé, à la batterie, et ManuSound aux machines. Le groupe a sorti un premier album juste avant le premier confinement. Dans Gangrène, un beau mélange d’influences, Casey questionne à nouveau l’identité, le poids du colonialisme et la pression sociale. Ausgang est en concert samedi 22 avril à la salle Maupassant à Bolbec avec La Fabrik à sons. Entretien avec Casey.

Cet album, Gangrène, mêle rap et rock. Pour quel genre penchez-vous davantage ?

Le rap est davantage ma culture. Même si j’ai toujours été sensible au rock. Je me sens plus proche du rap parce qu’il fait partie de mon environnement. Je viens d’un quartier où on entendait cette musique. Là, il n’y avait pas de guitare, pas d’ampli, pas de cours de solfège…

Mais il y avait les mots.

Oui, le rap, c’est l’oral avant tout. On invente des phrases et, au fil du temps, on soigne son écriture, son flow. Tout cela se travaille. Ce n’est pas une pratique scolaire. Cela se fait surtout avec les copains. Il faut oser le free style, aller se confronter aux autres. C’est de cette manière que l’on progresse et que l’on acquiert son flow, sa propre cadence. Les mots viennent ensuite s’installer dessus. À un moment, le fond et la forme doivent s’imbriquer.

D’où vient votre intérêt pour les mots ?

J’ai commencé à une période où le rap était très engagé, très écrit. Mon intérêt pour les mots vient de là. J’avais 13 ans. Il fallait trouver la bonne formule. Donc écrire était important. Avoir un texte construit et solide était la base. Si on n’avait pas ce minimum, ça ne pardonnait pas.

Le rap était aussi en prise avec son temps.

Oui, quand j’ai découvert le rap, il était vraiment en prise avec mon temps dans les thèmes abordés et la musique. Avec le recul, on peut dire qu’il a été le genre musical le plus moderne de ces cinquante dernières années. Je n’oublie pas non plus la musique des Caraïbes, de chez moi, comme la salsa, la souk, le merengue… 

C’est le rap qui vous a alors amené à l’écriture.

Oui, c’est clair. En commençant à écrire, j’ai pris conscience de ce qu’un texte peut produire et demande aussi comme concentration. J’ai alors perçu la lecture et l’écriture différemment. J’ai toujours aimé lire. Mais ce que l’on me mettait entre les mains n’était pas très récréatif. Avec le rap, j’ai trouvé ce côté amusant et fun, surtout cette liberté. On peut parler de soi, créer une rythmique.

Comme vous le dites dans l’album, l’écriture est devenue un acte de résistance.

Oui, c’est un acte de résistance. Je n’ai pas écrit pour cela. Au départ, il y a un mimétisme. Avec le temps, on se positionne sur des sujets de société et on sait où on doit lutter. C’est le jeu des poupées russes. En grandissant, j’ai constaté ma position de personne noire en France. J’ai entendu parler des Black Panther, des migrations, des colonies, de l’esclavage… Tout cela construit une pensée. C’est quoi être noire en France, habitant dans un quartier, confrontée à la délinquance ? Quelle est la perception que l’on peut avoir de moi ? Ce sont des questions.

Vous le dites aussi : « ma race a mis dans la musique sa dignité ».

Exactement. Le rap, c’est la classe. Il y a là des personnes qui manient le verbe et la langue avec une grande classe et avec une certaine modernité. Ce ne sont pas dans des postures. Le rap, c’est vivant, dansant. Et chacun peut y trouver sa place.

Est-ce une place à la marge qui est, vous l’écrivez, une « complice » ?

On nous renvoie souvent à une norme, avec sa dimension oppressive. Le rap autorise une fierté et une revendication d’être digne. Ce qui est intéressant avec le rap, c’est que cette musique est aujourd’hui la plus écoutée et la plus vendue. Pourtant, la marginalité ne va pas s’effacer pour autant.

Pourquoi faites-vous un clin d’œil à Chuck Berry dans Gangrène ?

En France, les choses sont très clivées et il est difficile d’aborder des expériences de fusion. C’est comme si je n’étais pas à ma place. On le sait, le rock vient du blues. Il est une musique noire. Chuck Berry est un inventeur du rock et un homme noir. Jimi Hendrix est aussi un homme noir. C’est toute une histoire en lien avec celle de l’esclavage parce qu’elle vient des champs de coton. 

Infos pratiques

  • Samedi 22 avril à 20 heures à la salle Maupassant à Bolbec
  • Premières parties : Jean Baptiste, Viktor and The Haters
  • Tarifs : de 15 à 8 €
  • Réservation sur www.fabrikasons.com
  • Des places sont à gagner ! Pour tenter de gagner, écrivez-nous à muriel.relikto@gmail.com !