Gaspar Claus : « aucun titre ne tient sa promesse »

photo : Sylvain Gripoix

Tancade a la forme d’un journal intime, traversant diverses émotions et plusieurs paysages aux horizons lointains. Gaspar Claus, violoncelliste nomade dans le monde de la musique, a composé seul ce bel album où il explore avec son instrument des atmosphères hypnotiques et électroniques. Accompagné par Basile3, Gaspar Claus sera en concert mercredi 10 mai à la chapelle Corneille à Rouen avec L’Étincelle et jeudi 11 mai au Passage à Rouen. Entretien.

Tancade est le nom d’une plage dans le sud-est de la France. Plusieurs titres de cet album portent le nom d’un lieu. Est-ce qu’ils vous inspirent tout particulièrement ?

Oui, les lieux m’inspirent. Chacun a ses vibrations. Je suis souvent sur les routes. Je parcours des distances. C’est certes une forme d’instabilité mais je vis dans le même appartement à Paris depuis vingt-trois ans. Je reviens régulièrement à Banyuls où vivent mes parents. J’y ai un fort attachement. Tancade est en effet le nom de la plage mais je n’ai pas composé le disque en pensant à cet endroit. C’est la musique qui s’est posée sur cette plage. Quand cette photo est apparue, je l’ai trouvée parfaite pour illustrer cet album.

Il était évident pour vous de placer le violoncelle au centre de cet album.

Je joue du violoncelle depuis l’âge de 5 ans. Sur d’autres instruments, je suis un piètre musicien. Il est l’outil avec lequel je m’exprime, je peux exprimer des émotions, raconter des histoires et évoquer des ambiances. Il est aussi l’instrument avec lequel j’ai fait plein de voyages. C’est presque un rapport amoureux. Il y a des jours avec et des jours sans. Je vis cela tellement de fois, notamment ce vide après avoir composé pour d’autres artistes. Après un projet, j’ai cette impression que je ne sais plus écrire et je ne le saurai plus jamais. Heureusement, au bout d’un moment, les choses se rétablissent. Il y a aussi des jours où le violoncelle refuse de répondre, de faire ce que je lui demande. À d’autres moments, on se laisse emporter.

Dans cet album, vous l’avez beaucoup exploré.

Oui et je n’ai pas fini. Je suis allé chercher différentes manières de jouer, presque jusqu’à ses limites. Ce disque est aussi un hommage au violoncelle. Mon père (Pedro Soler, guitariste flamenco, ndlr) est aussi musicien et passe ses journées à faire ses gammes sur sa guitare. Je ne fais pas ça. Souvent, j’ai d’autres choses à faire. Il y a beaucoup de moments que je ne passe pas avec l’instrument. Le mien date de 1810. C’est un très bel objet qui a une vie remuée. Il est allé dans le désert du Sahara, dans le désert de glace en Mongolie. Il a sûrement été plus au calme avec les musiciens précédents. Je suis ravi de le faire exister autrement et d’avoir une relation différente avec lui.

Quand avez-vous pris conscience des possibilités de votre violoncelle ?

Au conservatoire, ce qui était remarquable, c’était la virtuosité. Or je ne marquais pas tant de points que ça. J’ai rapidement trouvé qu’il y avait une autre richesse, notamment dans le silence et les notes à peine frottées. J’entendais alors des variations, des textures. Je me suis alors orienté vers ces zones de l’écoute, vers la recherche de l’émotion et la qualité du son. Et je suis encore là. Cela me prend toujours du temps avant de jouer une phrase mélodique mais j’ai ma manière de jouer.

Vous vous accordez aussi cette même liberté dans la structure des compositions.

Oui, j’ai remarqué cela à la réécoute de l’album. Aucun titre ne tient sa promesse. Pour chacun, on a un paysage qui se transforme. On part d’un point et on arrive ailleurs. Ce sont des mini voyages. Comme je n’ai pas appris à écrire la musique, je me laisse aller et j’avance au fil du jeu. Je n’ai pas de structure, pas de plan mais une idée, une ambiance, une phrase mélodique. Je ne saurais pas comment l’expliquer. J’ai toujours préféré les histoires qui ne sont pas pré-pensées. Les morceaux sont des aspirations. Chacun a eu sa manière de naître. Pour certains, je les traîne depuis longtemps, comme des ritournelles ou des obsessions.

Infos pratiques

  • Mercredi 10 mai à 20 heures à la chapelle Corneille à Rouen. Tarifs : de 21,50 à 5 €. Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • Jeudi 11 mai à 20h30 au Passage à Fécamp. Tarif : 8 €. Réservation au 02 35 29 22 81 ou sur www.theatrelepassage.fr