Aime Simone : « les plus belles chansons naissent d’une intimité »

photo : Corida.fr

Ce titre est presque plus connu que son auteur. Surtout depuis qu’il illustre un spot publicitaire pour une enseigne destinée aux bricoleuses et bricoleurs. Shining Light tourne en boucle. Dès la première écoute, la chanson émeut et apaise. L’interprétation saisit. Shining Light est un des titres de Say Yes, Say No, le premier album d’Aime Simone. Cet artiste inspiré a vite donné une suite avec la sortie le 5 mai 2023 de Oh Glory, un disque électro-pop, empreint aussi d’une profonde mélancolie, dans lequel il est beaucoup question d’amour. Entretien avec Aime Simone, en concert mercredi 24 mai au 106 à Rouen.

Sur la pochette de Oh Glory, on aperçoit un visage. C’est le vôtre et pas tout à fait le vôtre. Aviez-vous la volonté de jouer un personnage pour cet album ?

Non, je n’ai pas eu la volonté de jouer un personnage mais de raconter une histoire, surtout de la présenter de manière abstraite et symbolique. Pour créer cette pochette, nous avons collaboré avec l’intelligence artificielle. Nous l’avons nourrie de références de mondes imaginaires, de mes inspirations pour l’écriture de cet album, d’images de moi au fil de mes développements artistiques. Cela a généré 2 000 images et nous en avons choisie une qui a été ensuite travaillée. Elle évoque mon parcours, ma musique et ce qu’elle peut dégager.

Vous avez composé le premier album en trois mois. Y avait-il la même urgence pour Oh Glory ?

Non, j’ai pris plus de temps. Par la force des choses. J’ai vécu une sorte de transition. J’ai déménagé de Berlin pour m’installer à Paris. J’ai aussi écrit beaucoup plus de chansons pour cet album. Il a fallu faire des choix. Je me suis interrogé sur ce que je voulais dire afin que cet album soit cohérent, qu’il ait un impact et que chaque chansons ait sa place.

Vous parlez d’un déménagement. Est-ce qu’un lieu a une influence sur votre écriture ?

Oui et c’est assez mathématique. Les lieux ont une âme et nous y captons une énergie. Quand on change de ville, les énergies sont différentes. Il y a une autre dynamique. Cela influence votre art. Il reste les studios d’enregistrement qui sont insonorisés, même stérilisés. Ce sont les lieux les plus neutres. Chez soi, il y a aussi une âme. Au-delà de cela, le fait de voyager, de changer de mode de vie a un impact. Ma fille va maintenant à l’école et il a fallu entrer dans un schéma de vie plus classique. Pour travailler, nous n’avions pas autant de flexibilité. Nous avons dû revoir notre méthode et nous battre pour notre écriture.

Pourquoi vous battre ?

À Berlin, nous étions dans une forme d’insouciance. À Paris, nous sommes confrontés à ce que nous avions essayé de nous libérer, notamment du quotidien. Quand vous êtes aussi dans une dépendance à une industrie et à une deadline, dans le stress et le manque de temps, la créativité peut en souffrir. Vous n’avez plus la même disponibilité d’esprit et c’est là qu’il faut se battre pour ses rêves et pour ce en quoi vous croyez.

Dans cet album, vous avez mené un travail plus approfondi sur les sonorités.

Oui, c’était là une volonté d’approcher la musique. Comme pour le premier album. Le faire selon le Do it yourself. Dans ce travail, j’ai collaboré avec Sonja Fix (artiste et compagne d’Aime Simone, ndlr) parce que les plus belles chansons naissent d’une intimité. Trois ans ont été nécessaires pour composer cet album. Le son a évolué de manière organique par lui-même. En fait, il est venu à moi naturellement.

Et votre voix, plus ample, est-ce aussi une évolution naturelle ?

Le fait d’avoir donné des concerts a débloqué des choses. J’ai aussi travaillé avec un coach vocal pour protéger ma voix. Celle-ci a désormais une plus grande expérience. Cela a révélé des harmonies plus graves et a un impact sur les chansons et sur l’écriture.

Une écriture que vous avez voulue plus lumineuse.

Oui, j’avais cette envie de faire ressortir la lumière, d’amener un espoir, une forme d’optimisme dans une époque où on crie davantage à l’apocalypse. Je ne renie pas le côté sombre de la vie. Mais la lumière sans ombre est tellement superficielle.

Pourquoi dites-vous que Oh Glory représente votre premier album et non le deuxième ?

Parce que je l’ai pensé comme un album. Pour le premier, je n’avais pas du tout cela en tête. C’est un recueil de chansons écrit, mixé, masterisé et produit en trois mois. J’ai eu une impulsion créatrice, une énergie. Ce fut un geste. L’histoire a été reconstituée plus tard. Oh Glory a été plus réfléchi. Il y avait le même enthousiasme qui m’a amené ailleurs. De plus, nous avons créé un univers visuel qui fait sens.

Qu’avez-vous ressenti après avoir appris la reprise de In The Dark Time, un titre de Say Yes, Say No, par les habitants de l’Ukraine ?

Les dj ukrainiens le jouent dans les soirées à Odessa et à Kyiv. Il a été remixé et repris par les chorales ukrainiennes. J’ai entendu une foule la chanter. C’est surprenant et émouvant.

Infos pratiques

  • Mercredi 24 mai à 20 heures au 106 à Rouen
  • Première partie : Blasé
  • Tarifs : de 22,50 à 6 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce