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Le secteur culturel mobilisé pour la candidature rouennaise

Encore une journée avant de connaître le nom de la capitale européenne de la culture en 2028 en France. L’annonce de la candidature de Rouen a aussi mobilisé les actrices et les acteurs du monde culturel qui restent unanimes.

« C’est une chance ». Une phrase qui revient souvent. « J’en rêvais un peu », confie même Jean-Christophe Aplincourt, directeur du 106 à Rouen. La candidature de la ville de Rouen au titre de capitale européenne de la culture en 2028 réunit en Normandie non seulement le monde politique mais aussi le secteur culturel. Directrices et directeurs de lieux soutiennent le projet porté par Rouen Seine normande 2028 parce qu’il favorise un dialogue et incite à regarder à plus ou moins long terme.

Stéphane Maunier, directeur du Kalif à Rouen, est enthousiaste. « Quand on ouvre des espaces de dialogue, il faut soutenir. Quand les gens se rassemblent, il faut soutenir. Quand on construit ensemble, il faut soutenir. Quand on prend en considération la place du citoyen, il faut soutenir. Quand on accorde une place importante à la culture, il faut soutenir. Ce n’est pas une lucarne qui s’est ouverte mais une belle baie vitrée. C’est un changement fondamental. Si ce qui fait société n’est pas accompagné, choyé, soutenu, on n’y arrivera pas ». 

Un horizon

Pour Anne Le Goff, directrice de l’Atelier 231 et du festival Viva Cité à Sotteville-lès-Rouen, la candidature est arrivée « au bon moment. Le secteur culturel en France a subi des crises successives depuis les attentats. Depuis, nous peinons à trouver des projections heureuses. Dans les lieux, il y a toujours une grande part d’adaptation et de mobilisation. Malgré tout, la période est difficile. Alors une candidature, voire un titre, remet l’art et la culture au cœur du dialogue entre les acteurs, entre les différents champs culturels. Cela nous redonne une espèce d’horizon. Non pas qu’il n’y en ait plus parce que nous avons chaque saison des objectifs sur le territoire ». 

Même remarque de la part de Bertrand Landais, responsable de L’Étincelle à Rouen : « c’est intéressant de se projeter et de réfléchir à ce que sera le monde au-delà de 2028. Une telle candidature permet de se placer autrement dans le temps et dans l’espace. Nous avons tous l’habitude de travailler à l’échelle d’une saison mais jamais dans un temps futur, dans cinq ans, dans dix ans… »

Le directeur du 106 va plus loin : « c’est très important de se projeter dans le futur. Si on le pense pas, ce n’est pas le futur désirable qui s’affirme. Il est plus constructif de s’en emparer que de revenir sur le passé et se dire que c’était mieux avant. Cela n’a jamais fonctionné. C’est un discours voué au déclin. Là, cette candidature élargit le regard, permet de penser plus grand et de voir de 2028 à 2038. Ce sont des temps qui vont au-delà des mandats politiques. C’est un bon exercice du pouvoir que de penser au-delà de soi. Les quatre villes se sont pliées à cet exercice : réfléchir à leur époque et à leur territoire ».

Jusqu’en 2038, « c’est un horizon lointain, estime Camille Barnaud, directrice du Volcan au Havre. La candidature permet de lever la tête encore plus haut, de regarder sur une longue distance et, de ce fait, avoir une réflexion un peu plus décorrélée des contraintes budgétaires ». C’est également, pour Thierry Jourdain, , directeur de l’espace culturel François-Mitterrand à Canteleu, l’occasion de « traiter tous les sujets. Le projet fait un lien avec les problématiques d’aujourd’hui. Il en fait écho ».

Des échanges

Imaginer ce temps futur ne peut se faire sans échange. « Le milieu de la culture rouennais s’est fédéré. Il y a une énergie qui s’est construite autour de cet espoir », indique Camille Trouvé, codirectrice du CDN de Normandie-Rouen. Bertrand Landais se réjouit de ces autres « logiques de fonctionnement. C’est important d’écouter les envies des habitants. Comment on partage, on construit, on expérimente ensemble ? On regarde aussi ce qui se fait ailleurs. On s’inspire des uns et des autres. On se nourrit les uns les autres ».

Autres point positifs : la philosophie du projet. Camille Trouvé l’a appréciée. « Dire avant de lancer des grands projets, nous allons nous appuyer sur l’existant. C’est très malin de s’appuyer sur ce qui existe et après les choses vont prendre leur essor ».

Il y a aussi le territoire défini qui est la vallée de la Seine, de Giverny jusqu’au Havre, d’un côté, et Honfleur, de l’autre. « Une évidence », pour Anne Le Goff, « une idée poétique d’aller de Rouen vers la mer », pour Camille Trouvé. Cette candidature est ainsi « à l’image de la culture et du fleuve, remarque La directrice du Volcan. Elle est polymorphe, relie les hommes et les territoires. C’est un écosystème très horizontal qui propose des circulations depuis les villes les plus importantes, les territoires les plus vastes vers les plus petits. Elle amplifie les ramifications entre les territoires et les acteurs culturels, les habitants, les entreprises et la nature. Avec cette candidature, on décentralise la décentralisation grâce à un dialogue égal à égal ».

Même sentiment de la part de Thierry Jourdain : « la Seine est le fleuve qui sépare la rive droite et la rive gauche. Le projet, lui, réunit les deux rives et ce n’est pas seulement symbolique. Ça va l’être réellement. Il permet d’être dans un esprit collectif, de créer des liens entre les cultures et les territoires. C’est ce qui nous anime depuis plusieurs années ».

Le jury européen est venu à Rouen vendredi 8 décembre. L’oral de l’équipe de Rouen Seine Normande 2028 s’est déroulé mardi 12 décembre après ceux des villes de Bourges, Clermont-Ferrand et Montpellier. Résultat : mardi 13 décembre au ministère de la culture à Paris où Rossella Tarantino, présidente du jury européen, annoncera la ville qui sera la capitale européenne en 2028.