Michel Bussi : “écrire, c’est faire dix choix par page”

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Michel Bussi est à la Halle aux toiles à Rouen mercredi 10 janvier lors d’une soirée de lancement pour son nouveau livre Mon Cœur a déménagé (Ed. Presses de la Cité). Un nouveau roman qui se déroule quasi-entièrement à Rouen. C’est l’histoire d’une petite fille de 7 ans qui perd sa maman dans des circonstances dramatiques et mystérieuses. Placée, elle grandit avec l’espoir de trouver la vérité et venger sa mère. Michel Bussi offre un décor familier pour les Normands et une intrigue toujours aussi tendue. Jusqu’au bout. Comme d’habitude. Entretien.

Comment vous est venue l’envie de dérouler toute l’intrigue de votre roman à Rouen ?

Je l’ai depuis longtemps dans la tête, en fait. Et c’est un peu l’intrigue elle-même qui a décidé. Je trouvais intéressant de jouer avec les deux rives de la Seine ; avec une héroïne qui passe très symboliquement de la rive gauche à la rive droite. J’ajoute l’envie d’utiliser l’Armada et la foire Saint-Romain. Il est vrai que j’ai une grande proximité avec Rouen.

Et d’ailleurs, le lecteur rouennais peut facilement suivre les protagonistes puisque toutes les références sont réelles. A peu de choses près. Par exemple, vous inventez un groupe scolaire Camille-Cé tout près du vrai lycée-collège Camille-Saint-Saëns.

Oui, Camille Cé est un nom très peu connu des Rouennais. J’ai trouvé que ça fonctionnait. Et il n’y a pas non plus de collège Maurice-Leblanc…

Le récit s’étend sur plus d’une dizaine d’années et on traverse les années 1990 avec des manifestations étudiantes que vous pourriez avoir connues vous-même…

Je suis devenu maître de conférences en 1993. Les manifestations que j’évoque coïncident effectivement à mes premières années d’enseignement. C’était l’époque du plan Juppé. Nous avons été les premiers à Rouen à défiler. Tout un symbole car cet épisode a été la dernière grande grève à laquelle le gouvernement a cédé. Cela correspond à la fin des idéologies. Et à l’arrivée du portable.

A cette époque, Michel Bussi n’est pas encore romancier ?

Je m’étais dit : « quand j’aurai un job fixe, j’essaierai de consacrer du temps à l’écriture ». J’ai été recruté à l’Université de Rouen en 1993, j’ai donc commencé à écrire cette année-là. Mon premier roman date de 1994. J’étais plutôt persuadé que je ne serais pas publié. Comme l’immense majorité, j’ai envoyé mon manuscrit aux maisons d’édition. Aucune réponse positive ! Moi, je trouvais mon livre très bien mais je m’inclinais. Quelque part, j’avais joué et j’avais perdu. Dix ans après, j’essaie toujours et c’est Guy Pessiot – qui dirigeait PTC à l’époque – qui est partant pour publier un livre sur Arsène Lupin. Pas tout à fait de la littérature mais j’étais dans une manière d’écrire qui n’était pas universitaire. Ce fut un petit succès avec les 500 exemplaires vendus. Mais aussi avec 7 ou 8 retirages. Il y a eu un vrai élan autour du livre.

En fait, vous avez toujours eu envie d’écrire…

Ce sont surtout des histoires que j’avais envie de raconter plutôt que juste une envie d’écrire. Et ce, depuis toujours. J’avais la sensation que cela pourrait intéresser. Le petit miracle, c’est que cette manière d’écrire fonctionne. Pourquoi certains ingrédients et pas d’autres ? Parce qu’écrire, c’est paradoxalement faire dix choix par page.

Il y a d’abord un suspense, non ?

Souvent, c’est ce que les lecteurs me disent. Il faut l’attraper dès le début et le tenir jusqu’au bout. Certains me disent aussi que c’est une sorte de fluidité qui fait qu’ils rentrent dans le livre. Et j’ai des fans qui aiment la façon dont j’écris. Comme un chanteur. Quand vous en avez un qui vous touche particulièrement, c’est merveilleux…

Dans vos livres, il y a du suspense mais aussi de l’humour, du romantisme et de la cruauté. Curieux mélange !

Je n’écris pas de thriller pur. Il n’y a pas de monstre absolu dans mes livres. Ce serait alors plus difficile d’avoir du second degré et de passer du drame au rire. Je suis davantage dans la tradition populaire française. Des romans « à l’ancienne », en fait… Aujourd’hui, la tendance du polar est plutôt de faire du pur thriller ou du pur feel-good. Avec la difficulté de pouvoir en sortir…

Quand on pense à Michel Bussi, on pense au twist final. C’est un peu un incontournable…

C’est peut-être un peu moins vrai dans le dernier, par exemple parce que l’histoire ne l’imposait pas. Mais mon goût pour les fausses pistes renforce, je crois, l’attrait pour la lecture du roman.

Et à ce sujet, que peut-on passer comme message à ceux qui ne lisent pas ou ne lisent plus ?

Avec les livres, on a le plus grand choix d’histoires qui puisse exister. Bien plus que les films, séries et jeux réunis ! Donc, il existe forcément une histoire qui vous correspond. Alors, c’est peut-être un peu d’efforts à produire avec son cerveau mais la récompense est rapide. Et on développe un imaginaire bien supérieur avec un livre qu’avec un film, par exemple… Sans parler des émotions

Propos recueillis par Hervé Debruyne

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