Pour Thibault Cauvin, la guitare est indissociable des voyages. Les différentes aventures dans de nombreux pays du monde lui ont permis de découvrir un large répertoire musical. Avant ces quinze années passées sur les routes, le musicien s’est imposé une discipline pour remporter de nombreux prix internationaux. Aujourd’hui, à peine 40 ans, Thibault Cauvin est le guitariste le plus titré. Artiste virtuose, il souhaite désormais créer des moments de grâce lors de ses concerts. Il sera dimanche 7 avril au Volcan au Havre et dimanche 14 avril au Drakkar à Neuville-lès-Dieppe pour interpréter des œuvres de Bach et des musiques venant d’Amérique du Sud, de Mongolie… Entretien.
Quel lien entretenez-vous avec votre instrument aujourd’hui ?
J’aime dire que je suis né dans une guitare. Le français est ma langue maternelle et la guitare, ma langue paternelle. Je joue en effet de la guitare grâce à mon père qui était musicien. J’ai toujours vécu avec elle et j’ai appris à l’aimer par dessus tout. C’est un peu un hasard de la vie parce qu’il n’y a pas eu de coup de foudre. Je suis devenu addict dès que j’ai su que je jouais plutôt bien. À partir de ce moment-là, j’ai enchainé les concours, comme les sportifs, les compétitions. Ce sont des moments importants pour les musiciens classiques parce qu’il faut repousser ses limites, défier les autres. Grâce à ces succès, j’ai pu ensuite donner des concerts. Et j’ai trouvé ces instants extraordinaires. J’ai alors découvert l’amour de jouer pour les autres et partout. Pendant quinze ans, j’ai parcouru 130 pays. Je suis autant allé dans des petits villages que dans de grandes salles.
Avez-vous fait beaucoup de sacrifice lors de cette période de concours ?
Oui, énormément. C’était même excessif. J’étais aux portes de la folie. Cette passion est dévorante. C’est comme un aventurier qui a envie d’aller toujours plus loin. Il n’y a jamais de fin. Quand on a entre les mains ces partitions centenaires qui sont extraordinaires, on peut passer sa vie à les interpréter sans être satisfait de son travail. On veut toujours faire mieux. Je n’ai jamais autant progresser pendant ces huit années.
Est-ce que cette course infernale ne vous a pas enfermé sur vous-même ?
Oui, complètement et ce fut un choc. À 20 ans, je ne vivais que pour être meilleur. J’avançais dans la sphère savante et mon monde ne devenait plus qu’une poignée de personnes. Cela m’a beaucoup troublé. Je parvenais à interpréter des morceaux très complexes mais tellement savants. Depuis plusieurs années, j’emprunte presque le chemin inverse. Je suis dans une quête d’universalité, d’onirisme. Je me souviens avoir rencontré au Mexique un vieux monsieur qui jouait sur une guitare pourrie, désaccordée. C’était nul mais tellement touchant. Tous ces moments, j’ai pu les vivre grâce à ces voyages qui ont changé ma vie.
N’avez-vous pas eu envie lors de votre adolescence de jouer avec vos copains ?
Cette époque de virtuosité m’a vraiment passionné. J’étais comme un jeune tennisman qui veut gagner le tournoi de Roland-Garros. Lui non plus n’a plus de vie mais c’est fabuleux. J’ai passé des moments inoubliables avec mes professeurs au conservatoire de Paris. Je voulais gagner le Roland-Garros de la guitare.
Aujourd’hui, vous jouez toujours seul mais vous collaborez avec des artistes, issus d’autres horizons musicaux.
Et cela m’enrichit. J’ai joué avec Thylacine. J’ai un projet avec Matthieu Chedid. Ce sont de belles rencontres. Après avoir voyagé en solitaire pendant longtemps, j’apprends à travailler avec les autres, à partager des idées. C’est merveilleux.
Votre dernier album est consacré à la musique de Bach. Pourquoi avez-vous choisi ce compositeur ?
J’ai une grande passion pour Bach. Ce compositeur a toujours été dans ma cie. Mais il m’effrayait. Son répertoire est tellement gigantesque et impressionnant. Je ne me sentais pas légitime. J’ai par ailleurs fait l’épreuve d’un autre sentiment : la sérénité. Bach est alors revenu à moi et j’ai mis la légitimité de côté. J’ai enregistré cet album dans une église en Dordogne à la lueur des bougies. J’ai joué plus lentement et plus doucement pour aller chercher le côté charnel de la guitare et cela m’a beaucoup plu.
Infos pratiques
- Dimanche 7 avril à 15 heures au Volcan au Havre. Tarifs : de 25 à 5 €. Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com. Des places sont à gagner
- Dimanche 14 avril à 10h30 au Drakkar à Neuville-lès-Dieppe. Tarifs : 12 €, 10 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr