Après quelques détours vers le cinéma et le théâtre, quelques collaborations musicales, Mathieu Peudupin revient à Lescop. Un retour marqué, huit ans après Écho, par la sortie d’un très bel album. Rêve parti, le troisième, offre treize titres d’une new wave élégante, sur des sonorités des années 1980. C’est une traversée de plusieurs tempêtes intérieures déclenchées par des phénomènes de dépendance. De ces tableaux sombres surgissent souvent une lumière et d’autres rêves. Lescop sera en concert samedi 14 septembre au site archéologique à Évreux lors du Live à Gisacum. Entretien.
Qu’est-ce qui a donné l’impulsion à ce troisième album, Rêve parti ?
Il y a eu plein de choses. Tout cela s’est étalé dans le temps. Pendant ces années, j’ai mené plusieurs autres projets. À un moment donné, il a été évident pour moi de revenir à Lescop, de refaire un album solo. J’avais envie d’être impliqué à 100 % dans le processus de création. Chanter en français me manquait aussi.
Est-ce que Lescop est un personnage pour vous ?
En quelque sorte. Avec lui, je m’exprime d’une autre manière. Je m’exprime en effet différemment quand je suis Mathieu Lescop, quand je suis auteur pour Izia, quand je suis chanteur pour Serpent. Lescop est le projet le plus personnel. Il est à la fois un avatar et quelqu’un de très proche. De toute façon, être un artiste, c’est une quête de soi. On a besoin de se trouver. Je suis un grand fan de David Bowie. Il a imaginé un grand nombre de personnages pour se trouver lui-même. Ziggy Stardust, par exemple, c’est lui.
Comment faut-il comprendre le titre de l’album ? Est-ce un rêve envolé ou un parti pour réenchanter une société ?
Je n’avais pas prévu d’avance les bouleversements politiques d’aujourd’hui. Je ne fais pas de politique en tant que chanteur. Juste avant votre appel, j’étais en train d’écouter Yoa. Dans sa chanson, Nulle, elle dit : Où s’en vont les vies que l’on n’a pas vécues. On s’accroche aux rêves que l’on a enfant. C’est ce qui nous fait avancer. Moi, mon rêve était de devenir chanteur. Et celui-là n’est pas parti. Même si on rencontre forcément des déceptions au fil du temps. Même si, avec l’âge, on se pose des questions.
Une fois les rêves partis, surgit la mélancolie.
Celui qui n’a pas de mélancolie ne peut pas écrire des chansons. C’est le moteur de toutes les bonnes chansons. Cela n’empêche pas que l’on peut écrire des titres joyeux. Le plus important, c’est ce que l’on fait de cette mélancolie.
Est-ce qu’un rêve parti laisse une place à d’autres envies ?
Je ne sais pas. Être chanteur me va toujours. D’autres envies sont aussi apparues. Je suis acteur. J’ai eu envie de devenir écrivain. Je suis en train d’écrire un roman. La frustration et l’envie permettent de se trouver. Je suis devenu chanteur parce que je m’ennuyais. Dans ce titre, Rêve parti, j’ai voulu dire qu’il valait mieux partir quand on est dans une relation toxique. Dans mon parcours de musicien, j’ai fait de mauvaises rencontres. Nous avions des rêves mais peut-être pas les mêmes. L’album évoque cela, la dépendance.
Avec vous, les rêves sont alors très lucides.
Tous les rêves sont lucides. Le cerveau les produit à un moment où nous ne produisons rien. Il a le champ libre. Il est en toute possession de sa lucidité.
Y a-t-il une part de rêve dans l’écriture ?
Cela se discute. Je ne sais pas trop. Chanter permet d’être dans un entre-deux. Pour écriture, je pense que l’on est entre la lucidité et le rêve. On est dans un état second. Il y a toujours une part d’onirisme là-dedans. Par ailleurs, si les gens ont besoin d’écouter des chansons, c’est parce que la réalité ne leur suffit pas.
Dans cet album, Rêve parti, vous êtes dans une continuité musicale, un son très épuré.
C’est un choix qui s’est imposé. Pour cet album, j’ai travaillé avec Thibault Frisoni. J’ai un amour de son travail et lui du mien. J’ai amené les chansons très dépouillées et lui a apporté son regard. Les titres sont en effet très épurés. C’est un choix esthétique qui respecte l’intention de départ. J’aime la simplicité. Juste trois accords et des paroles.
Vous gardez ce même son pour la scène.
Complètement. Je reste fidèle à l’album le plus possible. J’aime bien ça. Sur scène, ce sera cependant un peu plus puissant que sur l’album. En fait, je suis agacé lorsque je ne retrouve pas ce que j’ai entendu sur le disque. Il y a alors une rigueur que j’essaie d’imposer sur scène. C’est de cette manière que l’on va pouvoir amener les chansons à plein d’endroits.
Infos pratiques
- Samedi 14 septembre à partir de 16 heures au site archéologique de Gisacum à Évreux
- Programmation : Break’Eure, Marla Wallace, Kabeaushé
- Concerts gratuits