Harpagon est l’avare, ce vieux grippe-sou qui tient davantage à son argent qu’à ses enfants. Il ne comprend pas non plus pourquoi certains dépensent des sommes conséquentes pour s’habiller ou qu’il faille repasser les plats lors d’un dîner si les invités ne réclament pas. Quant à l’amour, il fait fi des sentiments naissants de son fils, Cléante, et de sa fille, Élise. Lui a décidé de se marier avec Mariane. Dans L’Avare, cette comédie satirique, écrite en 1668, Molière se moque de son personnage dont l’avarice devient obsessionnelle. Clément Poirée, directeur de La Tempête à Paris, met en scène cette pièce de théâtre avec une économie de moyens. Il n’hésite pas à demander au public de venir avec des vêtements et des objets qui se transforment sur scène en costumes et en accessoires. Entretien avec Clément Poirée avant la représentation de L’Avare vendredi 8 novembre à L’Éclat à Pont-Audemer.
Pourquoi avez-vous eu envie de revenir à Molière ?
C’est toujours un plaisir d’y revenir. Molière est un auteur fondateur. Il imprègne notre culture depuis toujours. Dans cette pièce, nous retrouvons quelque chose qui fait notre fond. Par ailleurs, Molière est génial. Il n’y a pas beaucoup de génie dramatique comme lui. Donc c’est important de se confronter à cet auteur. Avec lui, nous touchons quelque chose d’universel et il nous permet de mieux percevoir le monde.
L’histoire de L’Avare est connue mais que dit-elle de ce monde ?
Oui, avec L’Avare, nous savons de quoi cette pièce parle. Elle raconte notre rapport à la possession. L’avare de Molière est un personnage habité par une passion démesurée qui est la possession. Le texte évoque aussi les problèmes entre les générations — il y a un conflit entre le père et ses enfants — et la question du vieillissement. Harpagon a encore toute une puissance de vie, beaucoup de désirs. Il ne veut rien lâcher. Molière raconte une société dans laquelle une génération qui prend de l’âge ne travaille plus sur l’avenir de ses enfants. C’est un monde sombre. Molière aborde des thèmes très profonds avec le rire et la farce et parle terriblement de ce que nous parcourons. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Quand on a 50 ou 60 ou encore 70 ans, on n’a pas la sensation de devoir renoncer aux choses. On est vivant et toutes les générations se retrouvent en concurrence et dans des situations conflictuelles.
Vous êtes allé très loin dans votre réflexion puisque vous avez mis en scène L’Avare avec quelques éléments qui structurent la scène.
Oui, nous avons poussé très loin la réflexion. C’était une évidence parce que nous avons un autre rapport à la dépense. Ce n’est pas que la société est plus avare mais il y a des réflexions sur la décroissance, les économies d’énergie… La vision de l’avare est aujourd’hui bousculée. Nous avons voulu un spectacle pauvre. Nous venons juste avec les outils nécessaires. De quoi jouer la pièce. Et nous nous basons sur la générosité ou l’avarice du public. En règle générale, les gens sont très généreux. C’est à chaque fois une représentation très participative.
Quelle a été l’approche du texte par les comédiennes et les comédiens ?
Cette façon de faire change en effet beaucoup l’approche du texte. Les acteurs sont soucieux de jouer avec les éléments du théâtre, que ce soient les costumes ou le maquillage, pour définir leur jeu. Et c’est toujours une réflexion en amont. Là, nous n’avons pas eu ce luxe. Chaque représentation est une plongée dans le vide. Et c’est vertigineux. Grâce au talent des collaborateurs, la pièce se joue. Nous les voyons travailler, transformer les objets apportés. Par ailleurs, nous devons suivre la trame de l’histoire. Quand Harpagon parle d’une perruque, il doit avoir quelque chose sur la tête.
Et vous, comment avez-vous abordé le texte et travaillé la mise en scène ?
C’est toujours le texte qui aiguillonne et permet d’avancer. Le public doit percevoir l’histoire. Lors de la phase de création, tout le monde s’est retrouvé bousculé. Ce fut un travail artisanal. Les objets récupérés sont ensuite confiés à des structures associatives qui leur redonnent une troisième vie. Le monde associatif nous a aussi beaucoup appris. Pendant les répétitions, il nous a apporté des lots avec des objets inattendus. Aucune répétition ne se ressemblait.
Était-il évident pour vous de confier le rôle d’Harpagon à John Arnold ?
Oui et il a été le point de départ de ce spectacle. John Arnold est un grand acteur. Il ne se destinait pas au théâtre. Il l’a découvert quand il a rencontré Michel Bouquet, son père de théâtre. John a joué Cléante quand Michel Bouquet jouait harpagon. Il voulait jouer Harpagon. Il est donc l’initiateur de cette folie. Il a le rôle titre et est la colonne vertébrale de ce spectacle. Il est un grand Harpagon. Il joue avec la mémoire de tous les Harpagon que nous avons connus.
Infos pratiques
- Vendredi 8 novembre à 20h30 à L’Éclat à Pont-Audemer
- Durée : entre 2 heures et 2h30
- À partir de 10 ans
- Tarifs : 15 €, 11 €
- Réservation au 02 32 41 81 31 et sur http://eclat.ville-pont-audemer.fr