Joachim Latarjet : « je voudrais que tout le monde aime Pennequin »

photo : Christophe Raynaud de Lage

Joachim Latarjet est seul sur scène, entouré de micros, de son ordinateur, d’une guitare électrique, d’un tuba, d’une basse, d’un baglama et d’un trombone. Sur une partition rock électro, très écrite, il dit, chante, scande les mots de Charles Pennequin, écrivain et poète contemporain après avoir été gendarme. C’est mort (ou presque) est une performance, mise en scène par Sylvain Maurice, qui sublime une langue pleine de vitalité et de rage. Joachim Latarjet ouvre ainsi le Festival des langues françaises, imaginé par Ronan Chéneau avec le CDN de Normandie-Rouen, mardi 4 mars au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly.

Comment avez-vous découvert la poésie de Charles Pennequin ?

Je l’ai vu sur scène lors d’une soirée dans un endroit improbable. C’était une performance atypique. Charles Pennequin était très explosif et avait une présence impressionnante. Je n’avais pas plus que cela prêté attention à ce qu’il disait. Plus tard, j’ai été attiré par un livre chez un libraire et j’ai été accroché à sa langue. J’ai eu cette sensation étrange : je lisais une poésie comme si je l’avais écrite.

Qu’aimez-vous dans cette écriture ?

Charles Pennequin a une manière simple de s’exprimer. Sa poésie n’est pas métaphorique. En France, on a un problème avec une poésie qui se trimbale une image obscure, chiante. Pennequin a une langue compréhensible. Celle-ci fonctionne par escalier. Elle a une sorte de ressort parce qu’il avance une idée, la développe, revient à une autre. Il écrit en pensant et pense en écrivant. Ses textes sont des adresses à lui, aux gens. Il est habité d’histoires et de gens. C’est très dynamique, voire explosif.

Est-ce une poésie musicale ?

Elle est très rythmée. En travaillant sur cette langue, j’ai réussi à composer ma propre musique.

Y a-t-il eu une évidence à mettre en musique la poésie de Charles Pennequin après vos premières lectures ?

Oui, il y a eu un désir rapide. J’ai fait des essais avec des comédiens mais ça ne fonctionnait pas. Sylvain Maurice m’a aidé à construire le spectacle. C’est l’histoire d’un musicien qui donne un concert. Il est seul chez lui et il parle. J’ai puisé dans les recueils, Pamphlet contre la mort et La Ville est un trou. Dans ce spectacle, je dis je. Les mots de Charles Pennequin deviennent les miens. Je voudrais que tout le monde aime Pennequin

Est-ce que le choix des textes a été difficile ?

J’ai eu du mal à composer parce que les textes sont géniaux et la pensée, fascinante. Je ne suis pas comédien mais musicien. Sur scène, je parle. Je suis ce personnage qui convoque des idées, des figures dont le père. Charles Pennequin est le fils d’un ouvrier du nord de la France. Il a été gendarme et va découvrir la poésie en écrivant. Quand il a travaillé à Paris, il prenait beaucoup le RER. Il a commencé à écrire le temps du trajet.

Y a-t-il une colère chez lui ?

Non, il n’y a pas une grande colère. Mais ça gueule. Ça se révolte. Ça embrouille, discute. Ça se dépatouille. Il se demande comment fait-on avec tous nos souvenirs, avec les gens que l’on aime et ceux que l’on n’aime pas, avec la vie. Charles Pennequin a besoin de mots pour s’aider. Il n’est pas dans une colère mais dans une réflexion. Quand il y a une colère, il y va vraiment, il insulte. Et c’est souvent très drôle.

Il raconte la violence du monde.

Il parle de la violence de son père, de celle que son père a subie en tant qu’ouvrier. Il parle de cette violence politique, de celle de l’Histoire. Il parle aussi des petites gens qui sont brinquebalés et qui font l’Histoire. Si on se focalise uniquement sur la colère, le spectacle ne fonctionne plus. Toute la poésie de Charles Pennequin est davantage habitée et chargée d’une histoire.

Quelle place donnez-vous à votre voix ?

Je suis avant tout tromboniste et j’ai composé des musiques pour des spectacles. J’ai développé un style d’homme orchestre. La voix est importante pour moi et doit être au centre. Dans ce spectacle, il y a l’idée d’une fanfare. Il y a du rock. 

Improvisez-vous sur scène ?

Je suis un maniaque, un obsessionnel. J’adore être super précis. Sur scène, je me mets dans un état particulier. Je suis tout seul face à un public. Je peux avoir le temps de faire venir les choses mais sans que ce soit de l’improvisation.

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