Raphaël Treiner : « j’ai l’impression que je cherche à me faire peur »

photo : LuxForFilm

Marianne et Ben vont vivre une nuit inoubliable, avec de multiples rebondissements. La première (Éléonore Gurrey) a un caractère bien trempé et vit ses derniers jours de grossesse. Le second (Christophe Ntakabanyura), un homme calme et drôle, est plombier. Marianne fait appel à Ben pour d’étranges problèmes de fuite dans son appartement. Ils vont découvrir que la tuyauterie de tout l’immeuble est défectueuse. La raison ? Elle est à découvrir dans Flush, le film de Raphaël Treiner plusieurs fois primé, lors de la Fête du court métrage, organisée par Normandie Images vendredi 21 mars au cinéma Omnia à Rouen. Le réalisateur, également compositeur et chanteur, a écrit un scénario à l’ambiance tendue et emmène ses personnages dans un univers de science-fiction aux effets très réussis. Entretien avec Raphaël Treiner.

Est-ce que la science-fiction, l’étrange, les films d’horreur vous ont beaucoup marqué ?

Oui, complètement. J’ai été biberonné à cette littérature. Vers 20 ans, je découvre ce cinéma des années 1990. Les personnages de Flush sont faits de ça et se retrouvent confronter à cet imaginaire.

Aimiez-vous vous faire peur ?

En tant que fan de films d’horreur, j’ai l’impression que je cherche à me faire peur. C’est pour moi une émotion plaisante. Comme être dans le noir complet. J’adore ça. Nous avons chacun nos théories mais je suis persuadé que les grands peureux cherchent à se rassurer avec ce genre de cinéma. 

Vous êtes aussi influencé par l’esthétique des jeux vidéos.

Je peux être un geek mais j’évite d’entrer dans les jeux vidéos. C’est chronophage. 

Les personnages sont des fans de jeux vidéos, notamment de Lovecraft. Avez-vous pensé à La Maison maudite ?

Pas directement. J’ai néanmoins tout lu de Lovecraft. Le point de départ, c’est un monstre dans une cave. Pendant très longtemps, j’ai cherché le personnage. Au moment où j’allais devenir papa, je me suis demandé ce qu’il faisait peur. En fait, c’est l’inconnu, l’étrange. Et je ne savais pas comment parler de cela. J’avais peur de devenir papa. Un bébé va arriver et vous en avez la responsabilité.

C’est une femme qui mène cette histoire et elle n’a pas peur.

Ce film est un hommage à ma compagne, également la productrice du film (Lucie Moreau, ndlr), et à ce que nous avons vécu ensemble. Marianne est un personnage qui a du mal à grandir. Elle se confronte à son corps qui change. Elle est courageuse et forte mais se retrouve dans une forme de déni. Elle va devoir alors être face à son imaginaire. Par rapport à Ben, elle se montre plus forte à l’appréhension du danger. Les montres l’attirent. Elle est effet motrice dans la narration. C’est l’héroïne.

Quant à Ben, il est très empathique.

Il fallait un personnage qui nous apporte une sympathie et qui ait un côté solaire. Quand j’ai rencontré Christophe Ntakabanyura, il m’a fait cet effet-là en trois secondes. Il y a chez lui de la générosité, de la gentillesse. Dans le film, il est le confident et l’amoureux éconduit. Il apporte l’aspect comique. Il est aussi dans la lâcheté. Par ailleurs, il met Marianne face à ses contradictions. Il lui dit : tu vas devenir maman mais tu n’es pas obligée de changer. Je suis en train de réfléchir la version longue de ce court métrage et à cette relation entre eux deux.

Vous installez une ambiance tendue dès le début du film. Pourquoi ?

Nous ne voulions pas aller dans le gras mais à l’os. J’ai dû resserrer les répliques des personnages. J’avais aussi envie que l’action débute dès les premiers instants et que le rythme reste soutenu. Tout l’enjeu de la mise en scène a été de créer des tensions même si la scène n’aboutissait pas dans quelque chose d’horrible mais par une blague.

Tout bascule aussi dans le fantastique

Cela s’est imposé. J’ai travaillé avec un directeur artistique qui a un tas de références et qui amène vers l’art contemporain. On ne sait plus si l’image est attirante ou effrayante. C’est aussi fascinant de regarder cette position de futurs parents. On se pose cette question : mais qu’est-ce qui va nous arriver ?

Comment avez-vous travaillé la matière des monstres ?

C’était important pour moi de porter une attention autant aux effets spéciaux qu’à la matière. Nous avons travaillé avec un maquilleur de l’Atelier 69. Nous avons échangé sur la faune et la flore parce que la présence du monstre génère cela. Nous avons comme un champignon d’une autre dimension et on a l’impression d’être sur une autre planète ou à l’intérieur d’un organisme. C’est un mélange de résine, de papier, de coton, de carton… Il y a même un volant de badminton. Et tout est fabriqué à la main, sculpté, moulé, peint et mis en lumière. C’est parfois manipulé comme une marionnette ou avec un joystick pour avoir des mouvements assez fluides. Nous avons pensé au premier Alien qui sort du corps au petit-déjeuner.

À quel moment avez-vous composé la bande originale de Flush ?

La musique, c’est mon premier métier. C’est très amusant de se servir de la musique comme un autre outil de la mise en scène. C’est un travail que j’ai beaucoup aimé mais il m’a pris plus de temps que prévu parce que je me trouvais sur une ligne de crête. Le film se situe entre la comédie et le film d’horreur. Il fallait que je trouve cet équilibre sans tomber d’un côté ou de l’autre.

C’est la musique qui vous a alors amené au cinéma ?

Oui, je crois. Mes parents étaient des cinéphiles mais j’ai suivi une formation de chanteur. À l’opéra, j’ai fait mes armes entre drame et musique. Après, je me suis consacré à la musique de film. Ce qui m’a amené à l’écriture de scénarios et à la réalisation.

Infos pratiques

  • Vendredi 21 mars à 20 heures au cinéma Omnia à Rouen
  • Projection avec La Traversée de Lucie Le Carrer, WassupKaylee de Pépi, L’Homme de merde de Sorel Soares França
  • Entrée gratuite
  • Réservation en ligne
  • Aller au cinéma en transport en commun avec le réseau Astuce