Victor Solf a voulu un deuxième album très personnel et intime. Dans Tout peut durer, il ausculte la fragilité des êtres et leur vulnérabilité. Il parle aussi de ses colères, de l’absence et de la disparition de Simon Carpentier avec qui il formait le duo Her. Victor Solf signe un premier disque, soul, en français, aux belles harmonies, aux textures légères avec quelques moments vibrants. Dans des ambiances mélancoliques, les douze titres de Tout peut durer, empreints d’un groove enchanteur, laissent transparaître une chaude lumière. Victor Solf est en concert samedi 12 avril au Tetris au Havre. Entretien.
Pourquoi le français vous est-il apparu comme la langue la plus appropriée pour parler des sentiments ?
Je me suis demandé comment ne pas être trop radical sur ces questions. Cette réflexion a beaucoup changé mon rapport aux sentiments. L’anglais permet d’être plus libre avec les mots et de se mettre moins la pression. Il est en effet plus facile de chanter I love you que je t’aime. On est quand même plus décomplexé. Dans cet album, j’ai voulu explorer ma fragilité et mes émotions et être concret. Le français est arrivé dans l’écriture. Mais je pense que cela va au-delà de la langue.
Le français vous a contraint de poser autrement votre voix.
Oui, complètement. Le français a sa propre musicalité. De plus, j’ai choisi de faire un album soul. Ce qui peut apparaître comme ne pas être judicieux en français. Mais j’aime cette forme de sobriété. Il y a une manière humble d’amener les mots. Je suis un enfant de la soul et de l’électro. Pour cet album, j’ai pu faire des allers et retours. C’était hyper intéressant. J’ai composé au piano. J’avais à côté de moi mon dictaphone et j’étais concentré sur la mélodie.
Avez-vous commencé à composer avec la volonté de sortir un album complètement différent des précédents ?
Oui. En fait, j’étais convaincu d’écrire un album soul. J’avais en tête Frank Ocean, James Blake… Ce sont des enfants de la soul. C’était bien clair dans ma tête. D’où la présence des cuivres et des chœurs. Le passage en français est venu plus tard. Cela a pris du temps parce que je n’étais pas sûr de moi. J’ai eu des sessions de travail avec des paroliers et avec notamment Barbara Pravi. Nous avons commencé à travailler ensemble sur Figur. Là, j’ai compris ce que je voulais raconter sur le disque. Il y a eu un vrai déclic. C’est devenu évident. Ce sera la fragilité, l’intimité… Mais tous ces moments sombres, j’ai voulu les mettre en lumière.
Il y a la colère aussi.
Oui, elle est présente mais c’est surtout la culpabilité autour de la colère et du manque de sang-froid envers les proches. C’est quelque chose qui me met mal à l’aise. Cela m’arrive de faillir. Dans Colère, je me livre comme jamais.
Dans ce titre, La Nuit je …, vous dites, je ressasse. Est-ce aussi le bon moment pour écrire ?
Cela m’arrive et cela agace beaucoup ma femme. Oui, cela m’arrive de noter des phrases. Parfois, plein d’idées se bousculent dans ma tête. Je passe aussi certaines nuits blanches surtout lorsque j’ai travaillé toute une journée en résidence. Je me couche mais je ne peux pas dormir. J’ai trop d’idées en tête.
Dans Multiple, vous chantez : je me cherche dans le doute. Est-ce le meilleur endroit ?
J’aime ce titre. C’est une manière de parler de mon passé et de cette attirance pour le mouvement et l’avenir. Je ne me sens pas coincé dans le passé et c’est une bonne manière de vivre. Il faut l’expliquer à soi-même et aux autres. Il faut se laisser une chance de grandir, de se remettre en question. Je suis un humaniste. Je crois en l’homme. Même au plus malveillant, on peut lui laisser une fenêtre pour évoluer, grandir et être surpris. C’est inhérent à l’être humain. Là, on entre dans un autre mouvement de pensée qui permet d’être plus indulgent avec les autres et soi-même.
Vous êtes un grand optimiste.
Oui parce que je l’ai décidé. J’ai écrit Figur avec bienveillance et douceur. C’est un sujet très lourd pour moi. Ce titre m’a sauvé et a sauvé la relation avec mon père. Nous avons pu nous retrouver. Plus d’une fois dans ma vie, j’ai été mis à l’épreuve. Je me suis demandé : peux-tu être encore optimiste et humaniste ? Aujourd’hui, je le suis profondément. Même avec tout ce que nous voyons dans le monde. J’ai une autre forme d’engagement. Je ne cache pas que c’est très dur parfois. Mais j’aime cette phrase : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Il ne faut pas désespérer. L’homme est plein de surprise et de bonté.
Trouvez-vous de la beauté aussi ?
Évidemment. Parfois, elle est un peu cachée. Ce n’est pas toujours la partie la plus immédiate.
Sont-ce ces signes que vous écoutez dans Que Le Cœur ?
J’ai écouté les signes. Et j’ai entendu les voix… C’est intéressant d’avoir la possibilité de prendre des chemins multiples. J’aime cette idée de se laisser porter par le courant, d’écouter son cœur, de suivre son instinct. L’homme ne sait pas tout, ne contrôle pas tout. Il faut être humble. Nous ne sommes que des micro poussières présentes quelques secondes dans l’univers. Avoir conscience de cela permet de relativiser et de lâcher prise.
Infos pratiques
- Samedi 12 avril à 20 heures au Tetris au Havre
- Première partie : Annabella Hawk
- Tarifs : 20 €, 16 €
- Réservation au 02 35 19 00 38 ou sur www.letetris.fr
- Des places sont à gagner