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Alexis HK : « Tant que tout ne sera pas clarifié, il sera difficile de s’entendre »

photo : Pierre Leblanc

Alexis HK vient ce vendredi 19 mars au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen pour une soirée concoctée par Ben Herbert Larue à suivre sur les réseaux sociaux. Une occasion d’évoquer cette période chaotique avec cet artiste qui décrit si subtilement les émotions intérieures. Entretien

Il y a un an la France était confinée. Le monde culturel l’est toujours. Est-ce long une année ?

C’est long mais le temps passe très vite. Il n’y a pas eu un confinement continu pendant un an. J’ai pu refaire des concerts, donner des interventions. Il y a eu aussi des choses positives. J’ai pu prendre le temps de lire, de travailler mes instruments. Je suis un confiné privilégié dans une maison. Même hors confinement, je suis un peu confiné quand je ne suis pas en tournée. Mon temps est en fait divisé entre la vie chez moi en train de créer et celle sur les routes pour jouer. Tout repose sur ces deux piliers. Quand il en manque un, je suis déséquilibré. Mais je n’ai pas envie de pleurer. Il faut prendre les choses avec philosophie. Il y a bien des jours où on craque un peu. Nous savons que la vie n’est jamais linéaire.

Quels sentiments vous ont traversé pendant cette année ?

J’ai eu une grosse période d’euphorie, d’énergie et de travail. Puis, tout est retombé. À ce moment-là, je me suis rendu compte qu’il n’était pas la peine de charger la mule. Alors j’ai lu énormément. J’ai travaillé ma guitare et je me suis amélioré aux échecs. Aujourd’hui, j’ai le squelette d’un nouvel album. Le début de l’année a été plus difficile. On pouvait se dire : 2020, c’est fini et on repart. Or, rien n’est reparti.

Cette période a donc été propice à l’écriture.

Oui parce qu’il y a eu du temps. Si on n’a pas besoin d’aller faire la queue à la banque alimentaire, le temps est ce que l’on a de plus précieux. Mais cette pandémie a mis des personnes dans des situations dramatiques.

Quelles seront les répercussions sur votre écriture ?

L’enfermement, ce peut être assez sec en matière de thématique créative. Quand on l’enferme, l’histoire ne va jamais aller très loin. Un confinement peut être quelque chose de prolifique parce qu’il faut faire marcher les ressorts de son imagination.

Est-ce que cette période vous a amené à vous questionner sur votre métier ?

Cela fait longtemps que je me pose des questions sur l’utilité de mon métier. J’ai un super job. Je monte sur scène, je chante et on m’applaudit. Est-ce fondamental ? C’est pour cela que j’aime travailler avec les autres, faire du coaching scénique. Je ne veux pas être enfermé dans une bulle créative pour me dire : j’ai écrit une super chanson et j’espère que je vais gagner plein de pognon avec. Non ! J’aime aller travailler à Astaffort et au Trempolino à Nantes. Cela nourrit aussi ma propre démarche créative.

Comment est-ce possible de garder un lien avec le public ?

Je poste des petits mots sur internet. Mais je préfère l’absence et la discrétion. Je ne suis pas dans une recherche permanente de notoriété et de reconnaissance. J’essaie juste de proposer des albums et des tournées.

Quelle a été votre réaction pendant le débat sur le caractère essentiel et non-essentiel de la culture ?

Cela reste de la parole médiatique et a peu de valeur. Les personnes qui disent gérer la situation sont perdues et dépassées. Elles sont arrivées au pouvoir pour mettre en place des réformes libérales quand tout allait bien. En deux ans, elles se sont pris les Gilets jaunes et une pandémie. Je n’ai même pas envie de les juger parce que la situation est tellement compliquée. Je pense qu’elles ne savent pas. Au premier confinement, tout était fermé. L’essentiel était de faire ses courses et se soigner. Il y avait une société à faire fonctionner. Ces mots qui sont tombés ont généré des réactions parce que ces personnes au pouvoir sont simples et se retrouvent dans une situation compliquée. Je suis davantage choqué par le maintien de la réforme de l’assurance chômage. Elles savent que le chômage va exploser. Et ça, je ne comprends pas.

Est-ce que vous vous êtes laissé entrainer dans le tourbillon des informations ?

Oui, avec les élections américaines. On peut tout reprocher à Trump mais il a offert un feuilleton extraordinaire. Cela m’a soulagé quand il s’est terminé avec l’entrée dans le Capitole. Ce fut une série incroyable. Je lis les médias classiques. En France, on arrive à un moment où plus rien n’avance. Il n’y a plus ce dialogue entre le président et la nation. Au début, Macron prenait la parole et cela faisait du bien. Là, il n’ose plus trop. Donc, on lâche tout et cela durcit nos carcasses.

Que pensez-vous des occupations de théâtres ?

Que l’on ferme des théâtres pour des raisons sanitaires, c’est normal. Or, aujourd’hui, on ne nous indique pas d’horizon. Il faut donner des réponses aux intermittents. Même s’il y a eu une prolongation des droits qui est un geste fort, cela reste une situation précaire, inquiétante. Il faut donner des perspectives, quelles qu’elles soient. Comme il n’y a pas cela, cela génère de la colère. Les artistes sont des personnes intelligentes. Ils savent quand il faut fermer des lieux mais ils ne comprennent pas pourquoi on peut réunir des gens à un endroit à pas à d’autres. C’est une volonté politique d’ouvrir les lieux de culte. Qu’est-ce cette société obsédée par la religion alors que nous sommes dans un monde moderne ? Tant que tout ne sera pas clarifié, il sera difficile de s’entendre. La culture n’est pas une priorité pour ce gouvernement. Il sait ce qu’il dit et cela a le mérite d’être assez clair. En bon libéral, il sait aussi que la culture représente un secteur économique essentiel mais pas dans un premier temps. La priorité est de faire marcher les start-up. Il faut se dire que monde culturel ne peut pas disparaître. Nous sommes dans un pays où les habitants, même si ce n’est pas la majorité, ont besoin de cela. Cela ne peut pas s’arrêter.

Infos pratiques

  • Vendredi 19 mars à 20h30, live stream à suivre en direct du Trianon transatlantique avec Ben Herbert Larue, Alexis HK, Melissmell, Govrache et Boule.
  • photo : Pierre Leblanc