La culture, un bien commun

C’est une journée de mobilisation qui s’annonce ce jeudi 26 juin. L’équipe du Centre dramatique national de Haute-Normandie se retrouve au théâtre des 2 Rives à Rouen pour discuter, échanger sur le présent et l’avenir de la culture en France.

 

La manifestation à Paris jeudi 20 mars photo Florence Caillon
La manifestation à Paris jeudi 20 mars
photo Florence Caillon

Il y a beaucoup de colère, d’inquiétude et d’incompréhension depuis l’accord national interprofessionnel du 22 mars dernier qui modifie une nouvelle fois le régime de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle. Artistes et techniciens se mobilisent afin que le ministère du travail ne donne pas son agrément à ce texte. Les premiers festivals d’été ont ainsi été fortement perturbés dans leur déroulement.

 

Manuel Valls n’a pas modifié sa position pour autant : la convention Unedic signée par le Medef, la CFDT, FO et la CFTC sera signée par le gouvernement. Pour éviter un scénario catastrophe semblable à celui de 2003, le Premier ministre a annoncé une série de mesures comme la prise en charge par l’Etat du différé d’indemnisation (ou délai de carence), une concertation pilotée par Hortense Archambault, ancienne codirectrice du festival d’Avignon, Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et Jean-Patrick Gille, député PS et médiateur dans ce conflit. La mission : refonder le régime de l’intermittence.

 

A cela s’ajoute la sanctuarisation des crédits pour la création et le spectacle vivant jusqu’en 2017. « Manuel Valls a fait des promesses. La question est désormais : est-ce qu’on peut lui faire confiance ? Au vu de l’enjeu, de ses ambitions, on a intérêt à lui faire confiance », remarque Roger Le Roux, directeur du cirque-théâtre à Elbeuf.

 

Des mesures qui seront discutées lors de la rencontre organisée par l’équipe du Centre dramatique national de Haute-Normandie. Dans ce combat, les intermittents ont le soutien des directeurs de structures culturelles de la région. Béatrice Hanin, directrice du Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray, l’a rappelé lors de la présentation de la nouvelle saison mardi 24 juin.

 

« Nous sommes solidaires. Cet accord mérite d’être contesté. C’est une régression, un arbitrage fait de manière non représentative des réelles personnes concernées », estime Jean-Christophe Aplincourt, directeur du 106 à Rouen.

 

Pour Roger Le Roux, « cette colère est légitime et juste. Le métier dépend des intermittents qui sont loin d’être des privilégiés. Je vois régulièrement des compagnies qui plient le matériel et qui renoncent ». « Il y a de moins en moins de productions et de moins en moins d’artistes sur le plateau », ajoute Jean-François Driant, directeur du Volcan au Havre.

 

« C’est un combat courageux », selon Daniel Andrieu, directeur artistique de l’Atelier 231 à Sotteville-lès-Rouen et de Viva cité. « Cet accord va précariser les plus faibles. Ils ont raison de mener cette lutte. Les intermittents sont nos collègues. Ils sont avec nous tous les jours ».

 

Un choix de société

Dans ce combat, les artistes ne se préoccupent pas seulement du changement de leur régime. Ils défendent la culture comme un bien commun qui « n’est pas négociable et doit être préservé », selon Jean-François Driant, et un système de valeurs.

 

Jean-Christophe Aplincourt le souligne : « C’est un modèle de société qui est en jeu ». Même remarque de la part de David Bobée, directeur du CDN de Haute-Normandie : « cela dépasse la question des intermittents et des annexes 8 et 10. Ces accords sont une honte et remettent en cause les fondements d’une société mutualiste. Tous les acquis sociaux du Conseil national de la Résistance sont flingués. Nous avons à protéger le trésor social de nos aînés ».

 

Alors idéologique, cet accord ? « Complètement », répond David Bobée. « La question de la réforme de l’intermittence n’est pas liée au fait de faire des économies. Il y a eu des propositions élaborées par le Comité de suivi et de coordinations des intermittents qui générent des économies et s’en prennent aux abus. Aucune n’a été étudiée ».

 

Jean-François Driant va plus loin. « Je me sens à la fois responsable de l’héritage que les aînés nous ont transmis et j’ai une conscience aigue d’une nécessaire évolution. Une évolution qui doit se faire dans un regard convergent sur des perspectives politiques. Or, c’est Bercy qui définit l’ensemble d’une politique qui n’en est pas une puisque faire des économie n’est pas une politique. On ne fait que rendre de l’argent ». Une politique à dessiner donc mais avec une nouvelle inconnue : la réforme des collectivités territoriales, financeurs importants.