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Une humanité désenchantée

Deux metteurs en scène, David Bobée, directeur du centre dramatique national de Haute-Normandie, et Kirill Serebrennikov, pour une pièce tragique et bouleversante : Metamorphosis est interprétée par le Studio 7 de Moscou jusqu’au 28 mars au théâtre national de Chaillot à Paris.

 

photo Alex Yocu
photo Alex Yocu

Tout est gris, sombre, sale. Trois carcasses de voiture encore fumantes, des papiers, des sacs en plastique et autres détritus… C’est un décor post-apocalyptique. Une créature marquée par la souffrance et la solitude sort d’un amas d’ordures. Ce n’est plus tout à fait un homme. Il a tout perdu, surtout sa dignité. Ce n’est pas un animal non plus parce qu’il a gardé une conscience. Il se souvient de quelques récits des Métamorphoses d’Ovide.

 

Mirrha, Orphée, Sisyphe, Narcisse, Icare, Pygmalion… Les histoires s’enchaînent dans une scénographie impressionnante, avec des effets visuels et numériques proches des jeux vidéo. Cette pièce très cinématographique est une suite de moments tragiques que vient alléger la danse de DeLaVallet Bidiefono. Les dieux ne sont pas toujours bienveillants et se montrent plutôt manipulateurs. Les comédiens du Studio 7 du théâtre d’art de Moscou qui interprètent les différents personnages de la mythologie y apportent toute leur vitalité, leur précision du jeu, leur fantaisie.

 

David Bobée et Kirill Serebrennikov, les deux metteurs en scène, ont su conjuguer leur talent pour offrir une vision du monde désenchantée. Difficile de ne pas avoir quelques frissons ou larmes. Notamment lorsque tous montent sur le grillage, installé au fond de la scène, au rythme du sublime Again d’Archive pour se retrouver dans les airs, comme Icare, afin d’échapper aux lourdeurs terrestres. Ou encore ce duo silencieux et élégant : un homme et une femme échangent leur place et leurs vêtements. L’un dans la robe de soirée de l’autre et la seconde dans le costume du premier pour faire taire la théorie du genre.

 

Même si la référence aux turbulences contemporaines n’est pas toujours très explicite parce que les illusions fantastiques et la réalité s’entrechoquent, il est difficile de ne pas établir des liens entre ces métamorphoses, mouvements de la vie, avec la violence des sociétés actuelles, notamment de la Russie. Là encore, l’amour, telle une forme de résistance, triomphe.