« Préserver notre culture »

Pierre FortierSon entourage dit qu’il est facilement reconnaissable à ses chemises colorées. Ce n’est le seul signe distinct de cet homme charmant, et toujours souriant. Pierre Fortier est… un sportif. Il est sans cesse en train de courir d’un point à un autre. Il est surtout un passionné de musique.

A l’âge de 13 ans, il gardait des enfants, vendait des bouteilles vides pour pouvoir s’acheter des disques. Depuis trois ans, il est le directeur du festival international de la chanson de Granby après avoir exercé divers métiers dans le génie civil, la communication, le journalisme. A la tête de cet événement qui compte 46 éditions et révélé des artistes comme Lynda Lemay, Lisa Leblanc, Pierre Lapointe, il souhaite construire une passerelle entre le continent nord-américain et l’Europe.

 

Quelle est la place de la chanson aujourd’hui au Québec ?

Elle a la même que chez vous. La chanson est un mode d’expression, une manière de se parler entre nous. Elle a cependant une place à part. Il existe aujourd’hui tout un réseau de showbiz, toute une infrastructure que nous avons créés nous-mêmes. La chanson en fait partie, comme le cinéma… Si cela n’avait pas été mis en place, elle aurait disparu. La chanson est devenue un moyen de défendre notre culture.

 

Le festival a 46 ans. Comment a évolué la chanson pendant au fil des années ?

A la fin des années 1960, il y avait trois styles de chanson. Tout d’abord les chansonniers, avec Raymond Lévesque, Félix Leclerc, ceux qui grattaient leur guitare. Ils se produisaient dans les boîtes à chansons qui sont devenues ensuite ringardes. Il ne faut pas oublier que l’on était à l’époque des Yéyé. Certains reprenaient les titres anglo-saxons. Puis, est apparu un nouveau courant avec le flower power, le psychédélique. Les artistes, comme Robert Charlebois, écrivaient leurs propres chansons. C’est le début de l’identité québécoise. Granby qui avait une salle de spectacles a organisé un concours de chansons. Certaines personnes de la ville avaient une passion pour la chanson et voulaient faire découvrir des artistes des autres régions.

 

Comment expliquez-vous la longévité du festival ?

De grands noms de la chanson, au début Fabienne Thibeault, sont passés par le festival. Il y a aussi une raison politique. Dans les années 1980, il y a eu le référendum sur l’indépendance du Québec. 51,1 % des gens ont dit : on ne se sépare pas. C’était une période difficile pour la chanson francophone. Il y a eu comme un élan parce qu’il y avait une chute de confiance culturelle. Il fallait préserver notre culture. Les télés ont commencé à s’intéresser au festival qui a ensuite pris de plus en plus d’ampleur. Ce qui est beau dans cet événement, c’est que l’esprit reste le même quel que soit le directeur.

 

La liste des sponsors et mécènes est très longue et peut rendre jaloux de nombreux directeurs de festival français. Comment réussissez-vous à les convaincre ?

On bosse. On bosse. Depuis mon arrivée, je vais luncher régulièrement. Je les rencontre les uns après les autres. Nous avons 140 partenaires financiers. 95 % d’entre eux reviennent l’année suivante. Par ailleurs, la ville de Granby s’est très impliquée. Les festivals qui n’ont pas fait ce travail s’arrêtent.

 

Pourquoi le Granby Europe ?

Depuis 20 ans, je vais trois fois en Europe chaque année. Au fil du temps, on s’attache, on noue des liens, avec Régis Sénécal notamment (directeur du Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen, ndlr), avec des directeurs du centre de la France… Je vais à leurs événements, ils viennent aux miens. Dans le lot d’artistes qui passent au festival, il y en a qui doivent intéresser leur public. C’est aussi important pour les chanteurs québécois parce que nous sommes un petit marché. En 2015, il y aura une tournée de 25 dates en Europe dont une à Paris. Aujourd’hui, nous cherchons une formule pour retourner la balle aux artistes européens, pour leur organiser une tournée ici.